Maeva Courtois, co-fondatrice d'Helios.
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Conso

Un nouveau venu "transparent et écologique" dans le monde des acteurs bancaires

L'impact des grands acteurs financiers sur l'environnement, par le jeu de leurs financements, est de plus en plus dénoncé. Pourtant, les banques pourraient être de puissants leviers pour financer la transition écologique. Encore dans l'ombre des géants du secteur, certaines initiatives tentent d'initier un changement de modèle bancaire. 

À quoi les banques emploient-elles l'argent qui dort sur nos comptes ? La question résonne d'autant plus qu'aujourd'hui, nombreuses sont les ONG alertant sur le rôle des acteurs bancaires dans le financement d'activités polluantes, contribuant à la destruction de l'environnement et au changement climatique. Le rapport "Banking on climate change 2020" de Reclaim Finance révèle que les banques internationales ont accordé près de 2 700 milliards de dollars de financements aux énergies fossiles depuis 2015, année de la signature de l'accord de Paris. Dans ce contexte, de nouveaux acteurs émergent pour proposer des alternatives à la banque traditionnelle. Parmi elles, Helios, qui a vu le jour fin février 2021, et dont ID a rencontré la directrice et co-fondatrice, Maeva Courtois.

Pouvez-vous présenter rapidement Helios ?

Helios a été créé par volonté de développer un nouveau modèle bancaire, transparent et écologique. Pour cela, nous avons passé beaucoup de temps à déconstruire le modèle existant, pour créer quelque chose de plus ambitieux. Concrètement, c’est un modèle d’éco-banque, qui se démarque par la garantie, pour le client, que pas un euro qu’il a confié à la banque n’ira financer des activités polluantes, néfastes pour l’environnement et la biodiversité. Tous les projets dans lesquels nous investissons participent à la transition écologique, que ce soit dans le domaine de la mobilité durable, des énergies renouvelables, de l’agriculture bio, etc. Un autre principe structurant, c’est que toute notre offre soit transparente. Aujourd’hui, lorsque l’on dépose de l’argent sur un compte en banque, il est très difficile d’avoir le détail des projets qui ont été financés par cet argent-là. Cette transparence passe aussi par la lisibilité, à l’opposé des rapports RSE de certaines entreprises qui peuvent faire des centaines de pages ; pour nous, ça n’est pas véritablement de la transparence. Cette lisibilité se matérialise dans l’application que nous avons développée, avec un "tableau de bord impact" dans lequel on trouve d'une part toutes les entreprises financées par Helios et, de l'autre, tous les secteurs qui sont exclus de l’investissement.

Très concrètement, qui décide des investissements et comment garantissez-vous l’impact que vous voulez atteindre ?

À la base, je viens du monde de la finance de marché, et j'ai travaillé sur la création de pôles durables dans les fonds d’investissement. Je me suis alors rendu compte que la finance évoluait dans le bon sens, que les enjeux environnementaux commençaient à être pris en compte, mais de manière beaucoup trop peu ambitieuse et avec des horizons de résultat trop lointains. Avec Julia Ménayas, co-fondatrice d’Helios, nous avons estimé que le vrai enjeu était de proposer des produits grand public comme le compte courant, et de les transformer pour qu’il en résulte un impact réel. Nous avons donc rencontré les acteurs du marché qui proposent des comptes courants et des solutions de paiement, comme Treezor ou Swan. Le gros problème, c’est ce que ces acteurs technologiques n’ont pas de licence bancaire propre, et dépendent de grandes banques dans lesquelles finissent les dépôts des clients. Nous avons alors pris contact avec Solaris Bank, qui a la spécificité d’avoir sa licence bancaire et donc la main sur ses dépôts. Donc lorsqu’un client Helios dépose de l’argent sur un compte courant, son argent sera investi uniquement suivant les critères retenus par Helios. Solaris Bank a donc le contrôle sur la partie "régulation", et nous avons la main sur le choix des domaines d’investissement. Ensuite, pour garantir au client que ces activités sont durables, nous avons réfléchi à une méthodologie claire, accessible à tout le monde, par le biais de la liste d’exclusion accessible sur l’application et qui liste les entreprises qui représentent un risque connu pour l’environnement et dont on ne souhaite pas le développement. On y trouve tout ce qui a trait aux énergies fossiles par exemple, ou encore à l’agriculture intensive.

Les entreprises qui ne basent ne serait-ce qu’une petite partie de leur activité sur un domaine à risque pour l’environnement n’ont pas à être soutenues. Il faut plutôt soutenir des entreprises qui trouvent des alternatives et vont dans une direction différente."

L’exclusion est une méthode assez classique dans le domaine de l’investissement responsable, est-ce qu’elle est suffisante pour garantir la durabilité des investissements ?

L’exclusion ne suffira pas si elle est trop peu ambitieuse dans les critères qu’elle retient. Par exemple, certaines méthodes d’exclusion sont basées sur des proratas ; par exemple, exclure des investissements une entreprise qui réalise plus d’un certain pourcentage de son activité dans un domaine polluant. Beaucoup d’entreprises passent donc entre les gouttes de ces critères-là. Nous, nous disons que les entreprises qui ne basent ne serait-ce qu’une petite partie de leur activité sur un domaine à risque pour l’environnement n’ont pas à être soutenues. Ce sera le cas par exemple d’une entreprise pétrolière qui a une activité annexe dans les énergies renouvelables. Nous estimons qu’il faut plutôt soutenir des entreprises qui trouvent des alternatives et vont dans une direction différente, et, à l’inverse, pousser les entreprises polluantes à se transformer radicalement, à court terme. Il reste tout de même beaucoup de projets dans lesquels investir, après exclusion. Nous cherchons à déplacer les flux d’investissement vers les entreprises de la transition écologique, qui ont besoin de financement pour se développer plus vite.

Côté consommateur, on peut avoir des réticences à confier son argent à un tout nouvel acteur. Que dites-vous à celles et ceux qui hésitent ?

Premièrement, le compte courant est un produit peu challengé du point de vue transition écologique, plutôt centrée sur les placements financiers durables. Pourtant, le compte courant concerne 11 % de l’épargne des Français. Il faut donc déjà sensibiliser au fait que lorsque l’on pose de l’argent sur un compte courant, même s’il ne va pas dans un coffre-fort et reste directement accessible, est quand même mis à contribution par les banques pour financer diverses activités, trop souvent polluantes. Il faut donc se dire qu’en tant que citoyen, chacun a une carte bancaire qui est un puissant bulletin de vote pour réclamer autre chose, plus de transparence, et plus d’impact. Côté garanties, Solaris Bank dispose des mêmes garanties que des banques traditionnelles pour les fonds qui lui sont confiés, c’est-à-dire une protection, pour chaque client, à hauteur de 100 000 euros par le Dispositif national de garantie des dépôts. Nous avons aussi mis en place beaucoup de sécurisation au niveau de l’application, avec trois niveaux de sécurité, pour vérifier que la personne qui ouvre le compte est bien la personne qui détient le téléphone entre ses mains.

Proposer de vraies solutions ambitieuses au niveau éthique, mais aussi qu’elles soient pratiques et faciles à prendre en main."

Les gens ont, globalement, envie de consommer plus vert. Administrativement, est-ce qu’il est compliqué de changer de compte en banque ?

Il est vrai que rendre le changement de banque facile est un vrai enjeu aujourd’hui. Il faut proposer de vraies solutions ambitieuses au niveau éthique, mais aussi qu’elles soient pratiques et faciles à prendre en main. La manière dont nous avons pensé l’application répond à cette exigence. On peut ouvrir son compte en banque en dix minutes depuis son canapé. Ensuite, toutes les opérations du quotidien sont très faciles, ce qui fluidifie le parcours du client. Par exemple, il est souvent assez long, dans les banques traditionnelles, d’ajouter un bénéficiaire pour faire un virement, alors que la procédure est presque immédiate chez Helios. Après, au niveau de l’aide à la mobilité, nous avons beaucoup échangé avec les futurs clients concernant leurs volontés. Beaucoup nous ont fait part de leur besoin d’avoir un vrai conseiller dédié. Nous avons donc tenu à garantir cela. Nous avons également développé un guide à la mobilité bancaire, et travaillons également à une solution automatisée pour transférer les fonds d’un établissement à l’autre pour finaliser la clôture de compte dans l’ancienne banque.

Est-ce qu’être client chez vous a un coût plus important que pour les autres acteurs bancaires ?

Nous souhaitons avant tout rendre notre offre accessible à tous, et pas en faire quelque chose d’élitiste au motif qu’elle a trait à la transition écologique. Nous avons donc fait le choix d’une offre unique, à 6 euros par mois, qui répond aux besoins du quotidien, avec virements et paiements illimités en zone euro. Dans une banque classique, l’offre de départ tourne généralement autour de 6-7 euros. Certaines banques qui ont émergé ces dernières années proposaient une offre gratuite, mais ce n’était pas envisageable pour nous compte tenu de nos ambitions, nos besoins, et des services que nous proposons. Nous devons par exemple nous tenir disponibles quasiment tout le temps. Ce prix payé par le client est aussi une garantie d’indépendance de la banque, pour ne pas avoir à aller chercher des fonds chez d’autres acteurs bancaires. Les acteurs proposant des offres gratuites peuvent également avoir à monétiser des données personnelles, ce que nous ne ferons jamais.

Enfin, côté services, y a-t-il des spécificités concernant les cartes, les possibilités de retrait, etc ?

Aujourd’hui, nous proposons une carte en bois, la première sur le marché, ainsi qu’une carte virtuelle qui permet de payer sur Internet de façon sécurisée. Nous proposons le retrait en Europe, avec cinq retraits compris dans l’offre. Quant au conseiller, il vous accompagne dès la création du compte, reste toujours le même pour simplifier les démarches, et est disponible du lundi au samedi. Enfin, nous sommes aussi en train de développer la possibilité de développer un compte joint. Nous avons actuellement environ 1400 inscrits.

Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Ecoutez la chronique Social Lab ici ou dans le player ci-dessous.

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