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Avocat, quinoa, noix de coco : trois modes alimentaires qui dérapent

Avocat, quinoa, noix de coco sont des aliments tendance, dont on vante les qualités nutritionnelles. On les met en scène dans des assiettes alléchantes dans les médias et sur les réseaux sociaux. Une mode aux conséquences néfastes dans les pays producteurs.

Voilà trois scenarios, dont les grandes lignes sont communes, et qui pourraient composer une série sur la mondialisation. Voilà trois produits pour réfléchir à nos goûts d’occidentaux affamés de nouveauté, obsédés par les produits miracle, charmés par les super aliments, dans une époque où la scène culinaire n’a jamais été aussi créative. Ces histoires montrent comment nos choix de consommateurs perturbent les équilibres de l’autre côté du monde. Elles nous rappellent — encore et toujours — que la solution est dans une relocalisation de notre consommation.

Avocat

J’ai succombé à la mode des « avocado toasts » (tartines d’avocat). Je ne me lasse pas de cette version simple et impeccable : du pain complet grillé, de l’avocat mur à point juste écrasé à la fourchette (pas trop), un peu de citron et du gomasio (condiment japonais composé de sésame grillé et de sel). Et je ne suis pas la seule à me régaler d’avocats. On le vénère pour ses prouesses nutritionnelles (il est riche en « bon » gras et en toutes sortes de vitamines et minéraux) et son onctuosité. Il est dans toutes les assiettes « healthy » et tendances du moment, sous forme de smoothies, salades, makis et même en mousse au chocolat végétale. Résultat : aux Etats-Unis et en Europe, la consommation de ce fruit exotique grimpe de 25 à 30 % par an !

Pour satisfaire notre avidité d’avocado toast, le Mexique, premier producteur mondial est passé de 31 000 à 118 000 hectares en trente ans. En 2015, la production y a grimpé de 1,6 millions de tonnes et la France est le second importateur d'avocats mexicains après les Etats-Unis. Dans l’Etat du Michoacan, sur la côte pacifique du pays, cette enquête du Monde raconte comment la « ruée provoque une déforestation massive et profite au crime organisé ». Une autre enquête parue dans Die Zeit en 2016, s’est intéressée à la culture intensive de l’avocat en Afrique du Sud, dans la région du Limpopo. Les avocatiers y épuisent les nappes phréatiques. La production d’un kg d’avocats nécessite 1 000 litres d’eau, quand il en faut 180 pour un kilo de tomates.

La solution ? Acheter des avocats bio d’Espagne, dont la saison s’étale d’octobre à avril. Et ne pas oublier de faire germer les noyaux pour créer une forêt d’avocatiers dans son salon (qui ne donnera pas de fruits cependant).

Quinoa

Le succès du quinoa est un peu plus ancien que celui de l’avocat. Mais il a connu un tournant dramatique ces dernières années. Le quinoa, de la famille des betteraves et des épinards, a des atouts majeurs pour séduire. Riche en protéines, cette plante cultivée dans les Andes depuis des millénaires, contient tous les acides aminés présents dans les protéines animales et convient donc parfaitement à un régime végétarien. Il est par ailleurs sans gluten. En 2013, l’ONU déclare que l’année sera celle du quinoa. La petite plante andine devient une star internationale. Son prix grimpe en flèche, attire les convoitises. La Bolivie était jusque-là un des rares pays à la cultiver. Mais désormais, tout le monde veut sa part du gâteau au quinoa. « Près de 90 pays cultivent du quinoa, en particulier le Pérou qui produit de manière intensive et devient le premier producteur mondial devant la Bolivie, peut-on lire sur le site Francetvinfo.fr. La répercussion sur les prix est sans appel : l’offre excède la demande et les prix dégringolent. En Bolivie, 250 000 personnes vivent de la culture du quinoa. À cause de la chute du cours du prix, les petits producteurs boliviens doivent vendre à perte. Aujourd’hui, 50 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. »

La solution ? Se tourner vers la production française de quinoa qui s’installe avec succès en Anjou.

Noix de coco

On aime tout dans la noix de coco. Son eau nous transporte illico dans un hamac au bord d’une plage de rêve. Son lait, produit avec la pulpe râpée et pressée, est indispensable dans les currys, et remplace de plus en plus le lait de vache dans les desserts ou les soupes. Son huile remporte un grand succès dans les cuisines bio et vegan. Elle résiste bien à la cuisson, elle a les mêmes propriétés que le beurre qui se fige en refroidissant, ce qui est idéal pour des pâtes sablées friables à souhait. Et elle fait merveille aussi sur la peau ou les cheveux.

L’emballement pour cette grosse graine concerne en premier lieu l’eau de coco. « Le marché de l'eau de coco en Europe devrait croître à une vitesse fulgurante, supérieure à 23 % par an en moyenne (en termes de revenus) entre 2016 et 2020. Au niveau mondial, sa progression atteindra 25 %. En France, entre 2014 et 2015, le marché, balbutiant, a doublé de taille », lisait-on dans Les Echos en 2016.

Et bien sûr, encore une fois, les prix explosent. Ceux de l’huile de coprah brute (produite à partir de la pulpe séchée) « ont doublé à Rotterdam comme aux Philippines - pays qui se partage avec l'Indonésie 80 % de la production mondiale ». Or, la noix de coco n’est pas qu’un aliment tendance chez nous. « Il s’agit d’une culture cruciale de subsistance pour plus de 11 millions d’agriculteurs », affirme un article de the Conversation. Pas sûr que ce soit eux les grands bénéficiaires de l’emballement.

Solution ? L’huile d’olive, de tournesol ou de pépins de raisin, c’est bien aussi. Et pour l’eau de coco, rien ne vaut une noix fraiche sirotée à l’autre bout du monde sur une île tropicale, même en rêve.