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Au Maroc, un boycott sans précédent contre trois grandes marques se poursuit

Le Maroc connaît depuis le printemps dernier un boycott d’ampleur historique qui touche trois marques (Danone, une eau minérale et un carburant). Le mouvement ébranle le pays entier et nous rappelle que le pouvoir d’achat est aussi un pouvoir politique.

Depuis des siècles, l’arme du boycott est brandie par des citoyens qui veulent faire entendre leur voix. Le mot est apparu dès 1879, en Irlande (mais la pratique existait bien avant). Des fermiers ont, cette année-là, fait subir un blocus à un riche propriétaire terrien, nommé Charles Cunningham Boycott, qui les maltraitait. Internet change aujourd'hui la donne. En quelques clics, des appels à boycott sont lancés à tout bout de champ, par des anonymes comme par de grandes ONG ou des plateformes dédiées. Prenez par exemple l’appel à un "boycott massif à la consommation" prévu en France pour le 1er octobre. Il a été lancé via Facebook, par la journaliste Carol Galand, dans la foulée de la marche pour le climat. Regardez encore le site I-Boycott qui lance régulièrement des campagnes pour permettre aux internautes d’interpeler des entreprises. Le boycott est une arme tentante, par sa simplicité. À propos des produits absurdes qui s’offrent à nous dans les rayons, Coluche disait d’ailleurs avec autant de justesse que de malice : "Quand on pense qu’il suffirait que les gens arrêtent de les acheter pour que ça se vende plus…" Pour autant les boycotts de grande ampleur, qui changent la donne, sont rarissimes. Celui qui a lieu en ce moment au Maroc est à ce titre remarquable.

42 % des Marocains boycotteurs

Il a surgi en avril dernier sur les réseaux sociaux, en visant trois produits d’entreprises accusées de pratiquer des prix trop élevés : le lait de Centrale Danone (la filiale locale du groupe Danone), les Eaux Minérales d’Oulmès (propriété de Miriem Bensalah-Chaqroun, présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc) et le carburant distribué par Afriquia (plus grand distributeur d’essence du pays, propriété d’Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture). Ce boycott est un raz de marée qui atteint le pays entier. Une enquête publiée par le média marocain L’Economiste fin mai, montrait que pas moins de "42 % de l’ensemble des Marocains sont actifs dans l’opération".

Chiffre d’affaires qui dégringolent

Le chiffre d’affaires de Centrale Danone a chuté de 50 % (par rapport à la même période de l’année précédente) dans les six semaines qui ont suivi l’appel — de 19 % pour la totalité du premier semestre. Et "les Eaux minérales d'Oulmès, qui exploitent la marque Sidi Ali, ont annoncé cette semaine un plongeon de 87,9 % de leur bénéfice net, qui est tombé à 9,74 millions de dirhams à cause du boycott", peut-on lire sur Bourse Direct.

Ce boycott secoue les entreprises concernées. Il s’est aussi muté en crise politique et ébranle le gouvernement. Alors bien sûr, la situation marocaine n’est en rien transposable à la nôtre. Les ressors de cette protestation des consommateurs vont bien au-delà des revendications contre la vie chère et sont intimement liés au paysage social, économique, politique du pays. Mais cette histoire nous rappelle que le boycott peut être une arme puissante, à disposition des simples citoyens que nous sommes. Comme le disait Coluche, à sa façon.