Elle avait engagé Magali Berdah lors d’une campagne de communication sur TikTok visant à promouvoir sa supposée dimension sociale, justifiée par les petits prix de ses articles. Shein poursuit son opération séduction en s’attaquant cette fois au volet environnemental.
L’enseigne chinoise vient de voir ses objectifs de décarbonation validés par la Science Based Targets initiative (SBTi), un label de renommée internationale. Elle a déclaré sur son site avoir "franchi une étape clé dans (sa) trajectoire climatique".
Une entreprise très émettrice de CO2
Shein est pourtant sous le feu des critiques depuis plusieurs semaines, alors qu’une proposition de loi visant à limiter l’impact environnemental de l'industrie textile a été adoptée au Sénat la semaine dernière.
Le texte vise tout particulièrement l’enseigne, qui met en vente 8 000 nouveaux modèles par jour. "L'idée est de cibler les modèles outranciers", a déclaré à l’AFP une source au ministère de la Transition écologique.
Au-delà de favoriser la surconsommation, le modèle économique de la marque repose sur le travail forcené de milliers d’ouvriers à l’autre bout du globe, entraînant des émissions considérables de gaz à effet de serre pour acheminer les articles jusqu’en Europe.
En tout, Shein aurait émis 16 millions de tonnes de CO2, sans parler de la pollution engendrée par les conditions de fabrication, puis par la surconsommation de cette mode jetable, qui finit la plupart du temps abandonnée dans la nature.
Réduire ses émissions de 90 % d'ici 2050
Malgré ce bilan difficilement défendable, l’entreprise est parvenue à obtenir le précieux label SBTi. Pour cela, elle s’est engagée à réduire ses émissions de scopes 1 et 2 de 42 % et de scope 3 de 25 % d’ici 2030.
Les scopes correspondent à différents types d’émissions de gaz à effet de serre. Le scope 1 regroupe les émissions directes de CO2, qui résultent de la combustion d’énergies fossiles. Il est suivi du scope 2, qui correspond aux émissions indirectes générées par la consommation d'énergie nécessaire à la fabrication d’un produit.
Pour aller plus loin : Comprendre la polémique autour de Shein, emblème de l'"ultra fast fashion"
Pour terminer, le scope 3 rassemble toutes les autres émissions indirectes, comme l’extraction des minerais et des matériaux nécessaires à la création d’un produit, ou encore les émissions liées aux transports des salariés, du matériel et des clients se déplaçant pour acheter un produit.
Sur le long terme, l’enseigne s’est fixée pour objectif de réduire les émissions de l’ensemble des scopes de 90 % d’ici 2050, afin d’atteindre la neutralité carbone dans les années qui suivent.
Un label critiqué
L'attribution du label à Shein, ainsi qu’à d’autres marques de fast fashion, comme H&M ou Inditex, qui possède Zara, poussent certains experts à se questionner sur la démarche du SBTi.
Fondée en 2015 par le World Resources Institute (WRI), le Carbon Disclosure Project (CDP), le Pacte mondial des Nations Unies et le World Wide Fund for Nature (WWF), le SBTi est aujourd’hui accusé de ne pas respecter le consensus scientifique.
Ainsi, si l’initiative a permis de pousser les entreprises à prendre des engagements climatiques, 10 ans plus tard, ces objectifs sont rarement remplis. Dans son rapport de 2022, l’organisation relevait que parmi les entreprises labellisées, seules 18, soit 30 % d’entre elles, avaient atteint plus de 70 % de leur ambition.
Le cabinet de conseil sur les enjeux énergie et climat Carbone 4, fondé en 2007 par Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean, déplore un constat qui "aurait dû conduire à ouvrir une réflexion sur les failles du système actuel pour mieux évaluer en amont la crédibilité des engagements (par exemple en rendant publics les moyens déployés en termes d’investissements et de gouvernance)".