Le 15 mars 2019, à Paris, marche de la jeunesse pour le climat dans le cadre de la mobilisation mondiale "Fridays For Future".
© YANN CASTANIER/Hans Lucas/AFP
Climat

Cinq ans après l’appel de Greta Thunberg, que deviennent les grèves scolaires pour le climat ?

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Le 15 mars 2019, à l’appel de l’activiste suédoise Greta Thunberg, des centaines de milliers de collégiens, lycéens et étudiants du monde entier faisaient l'école buissonnière pour manifester contre l’inaction climatique. Cinq ans plus tard, que reste-t-il de cette mobilisation massive et historique de la jeunesse ? Eléments de réponse avec le sociologue Laurent Lardeux, et les témoignages de trois militantes engagées depuis les premières heures des grèves scolaires pour le climat.  

L'activiste suédoise Greta Thunberg.
©Daniele COSSU/Shutterstock

"Pourquoi devrions-nous étudier pour un futur qui n’existera bientôt plus, alors que personne ne fait rien pour le sauver ?", lançait la Suédoise Greta Thunberg, le 22 octobre 2018, lors d’une visite à Helsinki, en Finlande.

Alors âgée de 16 ans, la lycéenne alerte depuis plusieurs mois sur l’inaction des politiques face au changement climatique, à travers plusieurs prises de parole mais aussi en faisant la grève de l’école tous les vendredis. Un mode d’action qui suscite l’attention des médias et trouve un écho particulier auprès de nombreux jeunes européens. A leur tour, ils sèchent les cours les vendredis pour interpeller les dirigeants. Au fil des mois, ce mouvement inédit grandit jusqu’à dépasser les frontières de l’Europe.

Sur les réseaux sociaux, des milliers d’élèves se rassemblent sous le hashtag "Fridays For Future” - nom donné par le mouvement initié par Greta Thunberg, et marchent dans la rue pour exiger une action politique de leurs gouvernements. Point d’orgue de cette mobilisation : la marche mondiale organisée le 15 mars 2019 suite à l’appel de l’activiste suédoise, et qui réunit des milliers de jeunes dans plus de 2 000 villes et 100 pays. En France, près de 200 000 lycéens et étudiants répondent présents.

Et depuis ? Comment ce mouvement a-t-il évolué ? S’est-il essoufflé ou bien métamorphosé ? Eclairage avec Laurent Lardeux, sociologue à l’Injep (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire), également auteur du rapport “Les jeunes activistes dans le(s) mouvement(s) climat”, publié en août 2023, et du livre 50 nuances de green. Les jeunes activistes dans le mouvement climat, à paraître le 19 avril prochain aux éditions Le Bord de l'eau.

En quoi les grèves scolaires ont-elles permis de mobiliser la jeunesse autour du climat ? 

Si une prise de conscience de l'urgence climatique émerge dès les années 90, notamment avec la mise en place des premières COP, le mouvement climat prend de l’ampleur en 2015, lors de la COP21 à Paris. Organisée en parallèle de cet événement, la COY11 (Conférence de la jeunesse) permet de rassembler les nouvelles générations autour de la question climatique. Peu à peu, de nouveaux collectifs apparaissent et se structurent sous l’impulsion de jeunes engagés politiquement, notamment au sein d’associations. 
En 2018, l’appel lancé par l’activiste Greta Thunberg va permettre d'élargir ce vivier. Plusieurs dizaines de milliers de jeunes manifestent au nom de la cause climatique. Pour la première fois en France, on voit des jeunes âgés de 14 ans battre le pavé. Selon les régions, certains établissements scolaires les soutiennent dans leur démarche ce qui participe à la légitimation de leur action. 

Ce mouvement touche-t-il pour autant l'ensemble de la jeunesse ? 

Il est difficile de parler d’une démocratisation du mouvement dans la mesure où les activistes présentent des profils sociodémographiques relativement homogènes. Dans les rangs des marches pour le climat, on retrouve essentiellement des jeunes filles et fils de cadres et de professions intellectuelles supérieures ainsi que des jeunes issus des centres villes, des étudiants fraîchement diplômés ou qui poursuivent des études dans des établissements d’enseignement supérieur. 

83 % des 18-25 ans pensent qu'il faut changer ses habitudes de consommation.
© Li-An Lim/Unsplash

Ces marches vont par la suite perdre en intensité. Comment expliquer ce ralentissement ? 

Avec les confinements successifs, liés à la crise sanitaire, en 2020 puis 2021, les grèves scolaires et les marches n’ont pas pu exister dans la rue ce qui a freiné la sensibilisation sur les enjeux du réchauffement climatique. Les jeunes se sont peu à peu dessaisis de la question. Certains ont considéré que les marches n’avaient eu que peu d’effets sur les mesures environnementales et ont éprouvé une certaine lassitude. De ce sentiment d’inefficacité de la lutte naît alors le besoin de trouver d’autres façons de s’engager, d’autres formats d’expression politique plus médiatiques que les marches, à l’image des actions de désobéissance civile

Des collectifs comme Extinction Rébellion, apparu en France fin 2018, mobilisent de plus en plus aujourd’hui de plus en plus de jeunes. Aux côtés des actions non-violentes, celles de sensibilisation pour le grand public gagnent en popularité, comme les "clean walks". Le mouvement climat ne s’est donc pas éteint mais plutôt renouvelé. 

Témoignages. Ces activistes nous racontent leurs grèves scolaires pour le climat

Le 25 mars 2022, à Paris, lors de la grève du climat.
©Hannah Brami

Lila-Brune Remy

21 ans, étudiante en sciences politiques européennes à Lille et co-fondatrice de Fridays For Future France. 

"J’étais en seconde au lycée quand j’ai participé pour la première fois aux grèves scolaires pour le climat. C’était en mars 2019. Ce qui m’a poussé à rejoindre ce mouvement, c’est un discours de Greta Thunberg dans lequel elle alertait sur les dégâts causés par le réchauffement climatique. Ça a été une claque. Avant cela, je n’étais pas vraiment sensibilisée aux enjeux climatiques. Je viens d’une famille peu politisée où ces questions ne sont pas abordées. Après cette prise de conscience, j’ai eu besoin de me mettre en action pour calmer dans un premier temps mon écoanxiété. J’ai participé à plusieurs grèves puis j’ai rejoint la branche locale de "Youth for Climate" à Metz. C’était très enthousiasmant de rencontrer des jeunes d’autres lycées plus politisés. Cet élan n’a pas toujours été compris, notamment au sein du milieu scolaire. Même si j’ai reçu peu de sanctions, j’ai parfois dû faire face à des professeurs réfractaires voire méprisants.  Aujourd’hui, je poursuis mon engagement en organisant des marches pour les lycées, en tant que co-fondatrice de Fridays For Future France. En parallèle, je participe aussi à des actions de désobéissance civile, comme celles de XR ou Stop Total. C’est réjouissant de voir que le mouvement climat continue à travers de multiples formes."  

Louise Ulrich

20 ans, étudiante en sciences politique à Lille et membre de Fridays For Future 

Une manifestante lors de la grève scolaire du climat, le 25 mars 2022, à Paris.
©Hannah Brami

"Comme beaucoup, j’ai commencé à faire grève à partir de 2019 alors que j’étais en seconde au lycée, à Lyon. J’ai voulu y participer car je voyais des messages circuler sur les réseaux sociaux autour de la défense du vivant. Ça m’a parlé. Dans mon lycée, il était possible de faire grève le vendredi après-midi si nous expliquions nos motivations dans une lettre. Je me souviens avoir écrit qu’en tant que citoyenne, j’avais une responsabilisé à m’engager. Après l’obtention de mon bac, j’ai commencé à faire de l’activisme au sein de Fridays For Future où je suis devenue porte-parole. Encore aujourd’hui, je continue à faire grève. Je participe aussi à des actions de désobéissance civile. J’ai notamment pris part à l’opération "Carnage Total", organisée par Extinction Rébellion, en janvier 2023. Avec d'autres militants, nous avons aspergé de peinture une agence de BNP Paribas, place de l’Opéra, à Paris, ce qui me vaut aujourd’hui un procès.” 

©Hannah Brami

Juliette Burzlaffs

20 ans, étudiante en deuxième année de droit à Lille, responsable de l’antenne locale d’Amnesty international et membre de Fridays for Future. 

“Je suis engagée au sein du mouvement climat depuis 2019. Même si je suis issue d'un milieu familial assez politisé, j’ai commencé à prendre conscience de l’urgence climatique en participant aux grèves les vendredis après-midi, avec l’autorisation de ma mère. Il n’était pas question uniquement de sécher les cours par plaisir mais plutôt de faire partie d’un mouvement d’ampleur auquel les médias prêtaient de plus en plus attention. Faire grève m’a aussi permis de pallier une écoanxiété qui naissait en moi à cette période-là. Aujourd’hui, je ne suis plus lycéenne mais je continue de militer au sein de Fridays For Future, en tant que chargée du pôle presse. Je ne fais pas encore de désobéissance civile mais j’aimerais participer à des actions dans le futur, même si je ne me sens pas encore prête à bloquer les périph’.” 

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