Environnement

La désobéissance civile sert-elle la cause écologique ?

Tableaux aspergés, routes bloquées...les actions de désobéissance civile se multiplient en France et à travers le monde. Quels impacts peuvent-elles avoir sur la lutte contre le changement climatique ? Servent-elles ou desservent-elles la cause écologique ? En collaboration avec Alors Média, ID a interrogé Sandra Laugier, philosophe et co-auteure de "Pourquoi désobéir en démocratie ?". 

Just Stop Oil au Royaume-Uni, Ultima Generazione en Italie, Letze Generation en Allemagne, Dernière Rénovation en France...les mouvements de désobéissance civile font parler d’eux aux quatre coins du monde. Leur point commun ? Alerter sur l’urgence climatique à travers des actions chocs. 

“L’idée est de trouver d’autres moyens que les méthodes classiques (pétitions, manifestations...) pour susciter des mesures, des lois qui sont indispensables à la survie de la planète”, explique la professeure de philosophe Sandra Laugier.

Des activistes les mains collées au mur sous les "Tournesols" de Vincent Van Gogh après avoir jeté de la soupe à la tomate sur le tableau à la National Gallery, à Londres, le 14 octobre 2022.
© Just Stop Oil / AFP

Si certains choisissent de bloquer des routes ou d’interrompre des événements sportifs, d’autres ciblent des œuvres d’art. Parmi les images marquantes, on retient notamment le jet de soupe à la tomate sur Les Tournesols de Vincent Van Gogh par deux militantes de Just Stop Oil, le 14 octobre dernier, à Londres. “Qu’est-ce qui vaut le plus, l’art ou la vie ?”, avait lancé l’une d’elle.  

“Ces modes d’action s’inscrivent dans la lignée des mouvements de désobéissance civile du XXème siècle. C’est à cette période que l’on redécouvre la pensée d’Henry David Thoreau, qui a inventé le concept de désobéissance civile”, note la philosophe Sandra Laugier.  

Des actions contre-productives ? 

Bien qu’elles ne soient pas nouvelles, ces méthodes suscitent de vives réactions dans l’opinion, y compris dans le camp des écologistes. Alors que la députée Europe Ecologie-Les Verts, Sandrine Rousseau, a salué ces opérations, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a estimé, sur France info, le 15 novembre, que ces actions desservaient la cause. Ces militants “provoquent l’incompréhension des Français et renvoient une image de l’écologie qui n’est pas la bonne", a t-il déclaré.

Pour Sandra Laugier, la question de l’impact sur la lutte écologique est complexe. “Les actions de désobéissance civile sont destinées à montrer l’injustice d’une loi. C'était notamment le cas du mouvement des droits civiques qui s’opposait aux lois ségrégationnistes aux Etats-Unis", relève-t-elle. On se souvient notamment de Rosa Parks qui refusa de céder son siège à un passager blanc dans un bus.  

La radicalité en débat 

“Pour l’environnement, la difficulté, c’est qu’il n’y a pas de loi à laquelle désobéir. L’ennemi n’est pas facilement identifiable puisque ce à quoi il faut désobéir, c’est un ordre global, capitaliste, qui pollue, qui crée des inégalités. Il y a donc des choses qui paraissent absolument injustes mais ce ne sont pas des lois et des obligations auxquelles on peut désobéir pour en montrer l’injustice. C’est pour cette raison que les actions actuelles ressemblent davantage à des happenings qu’à des actions politiques de désobéissance”, observe la philosophe. 

Selon elle, ce type de manifestation ne dessert pas pour autant la cause écologique. Au contraire, elle gagne en visibilité. "Il est vraiment important, pour que la cause ne soit pas desservie, que tout le monde sache que des œuvres d’art ne vont pas être détruites ou abîmées“, indique-t-elle avant d'ajouter : "Aujourd'hui il n’y a pas d’autres moyens. Nous sommes dans une situation où la voie parlementaire n’existe pas, où tout est imposé. Le gouvernement n’agit pas car il y a trop d’intérêts industriels et économiques en jeu. Ce sont des actions de dernier recours car on n'a pas d'autres solutions pour se faire entendre."

En France, comme ailleurs, les activistes n’ont pas fini de faire la Une. Le 15 novembre dernier, des membres de Letze Generation ont aspergé de liquide noir le tableau La Vie et la Mort de Gustav Klimt, exposé au musée Léopold de Vienne. Le dernier épisode d’une série amenée à se poursuivre. 

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