Le collectif Dernière Rénovation lors d'une action de désobéissance civile.
©DR/DernièreRénovation
ENTRETIEN

Dernière rénovation : la désobéissance civile pour la rénovation thermique des bâtiments

Blocage du périphérique parisien et de l’autoroute A13, occupation du court de Roland-Garros, interruption du Tour de France...les actions du collectif Dernière Rénovation se multiplient depuis plusieurs semaines pour interpeller le gouvernement sur l’urgence de la rénovation énergétique. Rencontre avec l’un des membres de ce mouvement de désobéissance civile. 

Comme d’autres militants de Dernière Rénovation, Bertrand, 28 ans, a fait de la rénovation énergétique son cheval de bataille. Agent de la fonction publique, ce Parisien a rejoint les rangs du mouvement fin février/début mars 2022, au moment où le collectif se constituait. Quelles sont ses motivations ? Comment s’organise ce nouveau mouvement de désobéissance civile ? Interview. 

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager ? 

C’est un sens des responsabilités qui m’est tombé dessus. Je suis arrivé à un moment de ma vie où je commençais à travailler, où j’aspirais à fonder une famille. Malgré tout, je peinais à m’engager dans l’avenir. Je m’interrogeais beaucoup sur l’évolution du climat et les limites planétaires qui allaient être dépassées. Face à cette situation, j’ai senti qu’il fallait que j’agisse et que je me batte pour une planète viable. J'ai choisi de me tourner vers le mouvement Dernière Rénovation.

Le collectif est très récent. Il a été créé par des membres d’Exctinction Rebellion et d’autres citoyens au mois de février 2022. Au fil des mois, le mouvement a grossi. Alors que nous étions une vingtaine en avril, nous comptons aujourd’hui une centaine de personnes impliquées dans la campagne. Nous organisons des réunions publiques plusieurs fois par semaine pour parler de l’urgence climatique. La dynamique est bonne. De nouvelles recrues se joignent à nous. 

Quels sont les objectifs et le positionnement de Dernière Rénovation ? 

Remporter une victoire pour le mouvement climat. Celle-ci porte sur un sujet précis, la rénovation énergétique des bâtiments, pour ensuite inspirer d’autres à se lancer et à mener des campagnes sur d’autres sujets. Le bâtiment représente un vaste chantier pour décarboner le pays. Cela représente 20% des émissions de gaz à effet de serre et 47% de notre consommation d’énergie. Nous demandons à l’Etat de prendre en charge les travaux pour les propriétaires les plus pauvres.  

Aujourd’hui, vivre dans un logement rénové c’est mettre fin à la précarité énergétique qui touche 12 millions de personnes en France.

Aujourd’hui, vivre dans un logement rénové c’est mettre fin à la précarité énergétique qui touche 12 millions de personnes en France. 1 français sur 5 a froid. C’est une mesure qui est sociale et qui a une forte pertinence d’un point de vue écologique. C’est aussi un projet assez consensuel chez les experts. La plupart s’accordent à dire qu’il faut le mener massivement, ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui alors qu’on a déjà les techniques pour le faire. D’autres grands chantiers sont plus flous mais pas celui là. Nous savons comment décarboner le parc immobilier français. 

De quels moyens disposez-vous pour "résister" et "imposer", selon vos mots ?  

Nous avons choisi de mener des actions non-violentes mais très perturbatrices. C’est par la perturbation répétée et la visibilité médiatique de certaines actions comme des interruptions d’événements sportifs que l’on compte mener ce combat. Résister, parce que nos actions supposent de désobéir à la loi mais aussi de manière répétée parce qu’on compte imposer un rapport de force suffisant, à terme.  

Le premier message c’est qu’il faut sortir du déni dans lequel nous sommes plongés concernant l’urgence climatique.

Après s’être mobilisé en avril et juin, nous comptons mener d’autres actions vers octobre ou novembre 2022. Sur cette phase là, nous devrions être 500. Si on arrive à ce chiffre, nous pourrons commercer à instaurer un rapport de force important. Si nous sommes plus nombreux, on pourrait réussir à imposer cette mesure.  

Sur le message, justement, vous menez des actions perturbatrices sur des événements sportifs comme le Tour de France ou Roland-Garros mais aussi des blocages de routes. Vos actions sont-elles réellement au service du message que vous voulez porter, à savoir la rénovation énergétique des bâtiments ?  

Le premier message c’est qu’il faut sortir du déni dans lequel nous sommes plongés concernant l’urgence climatique. Aujourd’hui nous savons comment agir face au dérèglement climatique. Nous savons quels sont les grands chantiers à mener. Personne ne peut fermer les yeux. Que ce soit dans sa voiture, au travail, dans les événements sportifs, les citoyens ont la possibilité de s’interposer pour dire “non” et mettre un stop au mouvement de cette société. C’est le sens de ces actions. C’est aussi tout simplement de dire que cette société est prise dans un mouvement qui peut être représenté par ces autoroutes que l'on va bloquer. L’objectif n’est pas de pénaliser les citoyens qui sont dans leur voiture ou qui regardent des événements sportifs, c’est simplement d’interpeller le public en disant : "on ne peut pas continuer à faire comme si de rien n’était".  

C’est justement sur ça que je voulais vous entendre : "le but n’est pas d’embêter les gens c’est de les interpeller". Vous ne craignez pas que certaines actions comme le blocage d’une route puissent être contre-productif ? Comment faites-vous pour éviter cet écueil ?  

À un moment donné, tous les mouvements sociaux sont obligés de passer par de la perturbation comme pour les grèves SNCF par exemple. Malheureusement, on sait que ça fonctionne comme ça. On ne peut pas changer une société sans la perturber, cela ne me parait pas possible. On peut certes désigner ou cibler des responsables politiques ou économiques mais en réalité il est difficile, voire impossible, de mener des actions qui soient vraiment perturbantes pour ces gens là. Et puis on parle de sujets qui nous concernent tous ! On a tous notre part de responsabilité là-dedans même si elle est moindre que celle des politiques ou autres. Et c’est le sens de ce genre d’action de perturbation de l’ensemble de la population.  

Mais l’objectif n’est pas de dire "on est contre vous" au contraire. C’est d’interpeller les gens et de leur poser un dilemme: "certes, vous n’êtes pas contents parce qu’on bloque une route. Ce n’est peut-être pas ce que vous feriez. Mais dans ce cas là, qu’est ce que vous faites par rapport à l’urgence climatique ? Est-ce que vous êtes prêts à agir ?". Une action non-violente est faite pour montrer la violence qui s’exerce à l’égard de l’Humanité et de la matérialiser dans une action dans laquelle des colères peuvent remonter. Nous sommes conscients que nos actions ne vont pas nous rendre populaires. Mais ce n’est pas l’objectif. L’objectif c’est d’interpeller les gens et de créer un effet de choc. Et qu’à un moment, tout le monde se demande s’il vaut mieux condamner l’action ou les responsables du réchauffement climatique

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