Le réchauffement climatique, responsable de la fonte des glaciers.
©Anna Morgan/Shutterstock
Dossier

Cinq minutes pour comprendre les dessous de l'adaptation aux enjeux climatiques

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La bataille contre la crise climatique doit se mener sur plusieurs fronts. Bien que la réduction des émissions de gaz à effet de serre demeure une priorité cruciale pour contenir un réchauffement du climat maîtrisable, il est impératif d’adapter nos sociétés et modes de vies aux effets des changements climatiques présents et à venir. Pour mieux comprendre cette notion d’adaptation, ID a interrogé Ana Terra Amorim-Maia, spécialiste de la question. 

Entre températures records et intensification des événements météorologiques extrêmes, les manifestations des dérèglements du climat sont de plus en plus tangibles. Alors que les débats sur la gestion de la crise environnementale ont longtemps été centrés sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), il est aujourd’hui évident que l’adaptation est tout aussi cruciale pour assurer la résilience de nos sociétés face aux défis environnementaux qu’elles doivent affronter. Mais que recoupe vraiment cette notion d’adaptation aux changements climatiques ? Eléments de réponse avec Ana Terra Amorim-Maia, chercheuse en sciences et technologies de l'environnement au Basque Centre for Climate Change (Centre Basque sur le Changement Climatique).

En bref, l’adaptation aux changements climatiques, qu'est-ce que c'est ? 

Selon le Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), l’adaptation au changement climatique peut se définir comme "le processus d’ajustement au climat réel ou attendu et à ses effets". En termes simples, l'adaptation désigne les actions structurelles, institutionnelles, écologiques et comportementales visant à minimiser les risques, à atténuer la vulnérabilité et à protéger nos communautés du changement climatique.

Comment le concept d’atténuation s'intègre-t-il dans le contexte plus large de la lutte contre le changement climatique ?

Lutter contre les dérèglements du climat recouvre plusieurs enjeux. D’une part, nous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels pour éviter des conséquences catastrophiques et des points de bascule. C’est ce qu’on appelle l’atténuation : on agit sur les causes des changements climatiques. D’un autre côté, ces émissions provoquent déjà de graves modifications du climat, notamment un réchauffement des températures (nous sommes actuellement à +1,2°C par rapport à l’ère préindustrielle) et des transformations des précipitations.

Même en diminuant de manière drastique et immédiate les émissions, les GES déjà emprisonnés dans l’atmosphère et leurs effets continueront d’avoir un impact sur les conditions météorologiques dans les années à venir."

L'adaptation au changement climatique est donc essentielle pour faire face à ces effets "ingérables" du changement climatique. Fondamentalement, c'est un moyen de réduire les risques et de protéger les communautés les plus vulnérables.

Depuis quand parle-t-on de l'adaptation aux changements climatiques, et comment cette notion a-t-elle évolué au fil du temps ?

Vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, l’idée dominante était qu’il fallait tout miser sur l’atténuation des changements climatiques. Parler d’adaptation était impopulaire, presque considéré comme hérétique. Cela représentait une trahison du programme d’atténuation et une excuse pour l'inaction. Les gens se concentraient sur l’idée : "Mieux vaut prévenir que guérir". Ce qui n’est pas une mauvaise idée en soi... Mais nous n’avons pas réussi à réduire les émissions de GES et les impacts du réchauffement se font déjà sentir aujourd’hui. Nous avons donc réalisé que nous devrions vraiment nous adapter pour y faire face. L’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques doivent donc aller de pair. Nous devons réduire les émissions tout en améliorant la préparation et la résilience aux effets inévitables des changements (passés et présents) provoqués sur la planète.

Aux côtés de l’atténuation et de l’adaptation, une nouvelle notion a fait son entrée dans les négociations internationales sur le climat : la réparation des dommages. De quoi s’agit-il et comment cela s’articule-t-il à l’atténuation et à l’adaptation ?

La notion de "pertes et dommages" est utilisée dans les négociations des Nations Unies sur le climat pour désigner les conséquences du changement climatique qui vont au-delà de ce à quoi les gens peuvent s'adapter, ou lorsque des options existent mais qu'une communauté n'a pas les ressources pour y accéder ou les utiliser. Cela pourrait inclure la perte de patrimoines côtiers en raison de l’élévation du niveau de la mer ou la perte de maisons et de vies humaines lors d’inondations extrêmes par exemple. À la COP27, un accord sans précédent sur le sujet a acté la création d’un fond sur les pertes et dommages, la COP28 sera l’occasion d’en préciser les modalités.

Globalement, l’idée de ce dispositif est que les pays riches, qui sont généralement les premiers responsables du changement climatique, doivent aider financièrement les pays les plus pauvres, qui subissent généralement les impacts les plus forts du changement climatique, pour les aider à réparer et se remettre des évènements climatiques extrêmes."

L’atténuation, l’adaptation et les pertes et dommages sont trois concepts interconnectés et nécessaires. Avant tout, nous devons atténuer les GES, puis nous adapter aux conséquences présentes et futures de ces émissions (températures plus élevées, sécheresses, tempêtes, etc.), et enfin, nous devons redistribuer les ressources afin que les nations les plus pauvres et communautés les plus vulnérables puissent réparer les dommages résultant des catastrophes climatiques.

Quels sont les principaux effets des changements climatiques auxquels nous allons devoir nous adapter ?

Cela dépend des régions et des contextes spécifiques, mais nous devrons déjà nous adapter au réchauffement des températures, aux épisodes de chaleur extrême et aux canicules plus fréquentes et plus intenses. Celles-ci auront notamment des conséquences sur la santé humaine, engendrant des maladies liées à la chaleur ou aux infestations d’insectes par exemple. Nous devons également nous adapter à l’évolution des conditions météorologiques en matière de pluie, à la fois en termes de tempêtes et d’inondations plus violentes et de périodes prolongées de sécheresse et désertification. Ces changements auront des implications sur la biodiversité, la sécurité alimentaire, la sécurité de l’eau et les migrations. En outre, différentes régions devront faire face à une augmentation des incendies de forêt, à l’élévation du niveau de la mer, au réchauffement des océans et à une augmentation des conflits concernant l’eau, la nourriture et les moyens de subsistance.

Quels sont les principaux axes d’adaptation sur lesquels nous pouvons agir ?

Les gouvernements et décideurs politiques peuvent accroître la sensibilisation et la préparation aux effets des changements climatiques grâce à des systèmes de communication, d’information et d’alerte précoce. Créer davantage d’espaces verts dans les villes est également un bon moyen de contribuer à abaisser les températures et réduire le ruissellement des eaux. Par ailleurs, améliorer les maisons et les bâtiments en les isolant mieux (contre la chaleur et le froid) et/ou en les rénovant est primordiale. Il faudra aussi travailler à la transformation de nos modes de vie en choisissant des options de transport, des habitudes alimentaires ou des choix d’achats plus durables.

Quels sont les obstacles majeurs à une adaptation efficace aux changements climatiques ?

Premièrement, s’il est important d’avoir des discussions et des négociations à l’échelle globale en matière d’adaptation, l’adaptation est en fin de compte spécifique au contexte où elle prend place et se produit à l’échelle locale, au sein des villes et des communautés. Les voies d’adaptation dépendent donc des ressources, des capacités ou des vulnérabilités locales. Deuxièmement, les effets des changements climatiques ne sont pas universels. Le même effort d’adaptation ne produira pas les mêmes résultats partout.

Troisièmement pour l’atténuation, nous disposons de mesures spécifiques (par exemple, l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre). Avec les mesures d’adaptation, c’est différent. Il y a beaucoup de choses à examiner pour mesurer leurs effets et aucun paramètre n’est universel. Aussi, nous manquons de moyens efficaces pour suivre et évaluer les mesures et interventions d’adaptation.

Nous connaissons la science. Nous savons ce qu’il faut faire. Mais nous ne savons pas si nous le faisons bien, si cela réduit effectivement les risques ou si cela génère "maladaptation" qui est un processus qui entraîne une vulnérabilité accrue au changement climatique, directement ou indirectement, et/ou compromet considérablement les capacités ou les opportunités d’adaptation présentes et futures. 

Où en est-on au niveau de la planification et de la mise en œuvre de l’adaptation ?

Cela varie beaucoup selon les ressources disponibles dans différents endroits. D’une manière générale, nous avons de bons plans d’adaptation mais des politiques faibles, un grand manque de mise en œuvre et d’opérationnalisation de ces plans et un suivi et une évaluation de ces derniers quasi inexistants. Donc, comme je l'ai dit précédemment, nous connaissons le problème, nous savons plus ou moins comment agir, mais nous ne savons pas comment fixer des objectifs et comment mesurer nos progrès vers ces objectifs. Le Rapport 2023 de l’UNEP (programme pour l’environnement de l’ONU) sur le déficit de l’adaptation au climat pointe également du doigt le manque de financement de l’adaptation et statue que "les besoins de financement des pays en développement en matière d'adaptation sont dix à 18 fois plus importants que les flux de financement public international". Le rapport examine également les progrès réalisés en matière de planification et de mise en œuvre des mesures d’adaptation aux changements climatiques et conclut que les progrès mondiaux en matière d’adaptation ralentissent, alors qu’ils devraient s’accélérer de toute urgence.

Cet article est extrait de notre dossier spécial : "Changement climatique : comment la France prépare l'avenir". A découvrir ici !

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