Prunes de plusieurs variétés sur un plateau en bois.
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Climat

Filière prune : "Comme tout le monde agricole, nous subissons nous aussi le changement climatique"

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Réchauffement climatique, sécheresse...comme l'ensemble du monde agricole, la filière prune est aujourd'hui confrontée à de nombreux défis. Pour en savoir plus, entretien avec André Graglia, directeur de l'AOPn Prune.    

Que faut-il savoir sur la filière prune pour en comprendre les contours ?

La prune c’est plus de 5 500 hectares de pruniers et près de 50 000 tonnes de fruits récoltés chaque année pour le marché français. L’AOPn Prune représente près de 60 % de la production avec ses adhérents (13 organisations de producteurs, 8 expéditeurs et près de 400 producteurs). C’est une petite filière mais cela ne nous empêche pas d’avancer et d’innover car dynamique et pleine de ressources ! Le travail est constant pour introduire et développer de nouvelles variétés, et améliorer sans cesse les pratiques pour tendre vers des systèmes le plus respectueux possibles de l’environnement. Depuis plusieurs années avec l’AOPn Prune, nous avons mis en place une charte de production fruitière intégrée (lutte bio, biocontrôle, confusion sexuelle, enherbement…) à laquelle de plus en plus de producteurs adhèrent chaque année. Ce qui nous démarque c’est surtout le goût, car nos producteurs ont su miser sur des nouvelles variétés gustatives qui tiennent leurs promesses. Cela fait de la prune un fruit et un achat plaisir par excellence ! 

L'agriculture est à la fois une cause et une victime du dérèglement climatique. Comment adaptez-vous la production de prunes face à ce constat ? 

Effectivement, comme tout le monde agricole, nous subissons nous aussi le changement climatique. La preuve avec les deux années de gel consécutives que nous avons vécues (2021-2022). Nous n’en sommes que plus investit dans la lutte face à ce changement !

Face à ce défi il n’y a pas une stratégie mais plutôt des stratégies avec la combinaison de plusieurs solutions."

Les premières sont ce qu’on appelle les solutions de la lutte active pour éviter le pire des aléas climatiques. Cela consiste pour la majorité des vergers à l’installation de filets paragrêles et de moyens de lutte contre le gel. Viens ensuite le travail de fond que l’on nomme la lutte passive. Cette partie est la plus complexe et celle qui demande le plus de temps ! C’est essentiellement du travail d’observation variétale pour identifier les variétés les plus résistantes au gel et aux maladies, mais aussi cibler celles à floraison tardive par exemple. L’adaptation passe aussi par la réflexion sur le choix d’implantation des vergers pour cibler les zones les moins à risques pour les nouveaux vergers, et travailler sur l’environnement paysager des parcelles comme les haies.

Les fruits, et notamment les prunes, sont souvent calibrés et mirés ce qui génère une quantité importante de gaspillage et de perte. Mettez-vous des actions en place pour éviter cette perte ?

La prune n’est pas un fruit qui nécessite un process pour la faire briller. Elle a naturellement un voile protecteur que l’on appelle "la pruine". En fruits et légumes de manière générale les pertes estimées sont de 12% dont 9% au champs et en station (Interfel étude 2015). Les prunes sont des fruits fragiles (bio agresseur, climat, choc, …) comme la plupart des fruits à noyaux ce qui explique en partie ces pertes. Notre but est de valoriser le travail de nos producteurs au maximum et donc de limiter les pertes ! Le calibrage est essentiel car il permet de mettre en valeur les fruits de belle qualité mais cela ne veut pas dire que le reste est perdu ! La transformation avec la confiture par exemple, est un des débouchés pour les calibres ne trouvant pas preneurs chez les consommateurs de frais. Pour les fruits les plus abimés différentes solutions existent comme la méthanisation, le compostage, l’épandage, … Rien ne se perd tout se transforme !

L’AOPn Prune représente près de 60 % de la production avec ses adhérents.
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La Chine, la Roumanie et la Serbie sont les plus grands producteurs de prunes au monde. Comment vous adaptez-vous à cette concurrence ?

L’origine n’est pas encore élucidée à 100 % mais il semblerait que le prunier soit en partie originaire d’Asie. Ce n’est donc pas étonnant que cette culture soit importante en Chine ! Cependant, ce n’est pas un pays exportateur, leur marché reste national. Il en est de même pour la Serbie et la Roumanie qui sont de faibles exportateurs. Aujourd’hui, on retrouve 4 % d’importation de prunes serbes (Bilan Interfel 2022) mais la majorité de leurs prunes sont des prunes de type bleues qui vont essentiellement vers le marché de la transformation.

La stratégie de la prune française est de miser sur le goût et les filières qualités."

Comment créez-vous des "variétés de prunes résistantes" aux changements climatiques tout en garantissant une production naturelle et respectueuse de l’environnement ? 

Nous sommes en veille permanente sur la création variétale mondiale. Nous avons également un partenariat avec le CEFEL pour travailler sur de nombreux sujets notamment sur la partie biocontrôle. C’est un travail de longue haleine nécessaire pour arriver à des productions toujours plus performantes d’un point de vue écologique mais aussi économique. Le pas de temps pour l’adaptation des arbres on le sait est long, il faut donc savoir trouver le juste équilibre entre transition écologique et préservation de la filière quand toutes les solutions ne sont pas encore là.

Comment abordez-vous les prévisions de sécheresse annoncées pour cet été, notamment du point de vue de la gestion de l'eau ? 

Nous avons de la chance cette année pour la prune, dans le sud-ouest (principal bassin de production) nous avons eu suffisamment d’eau pour assurer la récolte prochaine ! Mais nous sommes bien évidemment préoccupés par cette question et solidaires de toutes les autres filières et territoire en manque d’eau ! La solution n’est pas unique et les efforts communs, autant pour le monde agricole, que pour l’industrie, le tourisme et les ménages. La production s’adapte là encore avec des systèmes d’irrigation de pointe (type goutte à goutte) qui permettent une gestion économe et ciblée de l’eau. Mais pour ce faire il faut déjà avoir de l’eau ! Apprenons et encourageons le stockage de l’eau intelligent. Le but n’est pas de pomper dans les nappes mais plutôt de retenir l’eau en surplus. Il ne faut pas oublier qu’une des plus grandes pertes en eau se fait par l’artificialisation des sols. En retenant l’eau, on préserve l’agriculture, qui elle-même préserve les sols pour qu’ils puissent alimenter les nappes. C’est aussi pourquoi l’AOPn Prune encourage ses producteurs vers des gestions de sols plus vertueuses notamment via l’enherbement des vergers. 

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