Dans son projet, Marine Le Pen proposait en 2022 de suivre une "voie française pour atteindre les objectifs de l'accord de Paris" de 2015 sur le climat. Est-ce que les propositions du RN permettent de respecter cet accord ?
Non. Si le plan du RN c'est de se passer des énergies renouvelables et de la voiture électrique, il n'y a aucune chance d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris, c'est aussi simple que ça. Tout simplement parce qu'aujourd'hui leur plan sur le nucléaire est tout à fait irréaliste, parce qu'on a absolument besoin des énergies renouvelables dans le mix énergétique français, et surtout parce que les émissions liées au transport routier c'est 30 % du bilan carbone de la France.
Ce qui veut dire que si on ne déploie pas aujourd'hui la seule solution technique qui existe pour décarboner massivement le transport individuel (le véhicule électrique), on n'y arrivera pas. Le problème, c'est que s'il n'y a pas de politique structurante sur ce sujet, on sait bien malheureusement qu'on aura une grosse tendance à répéter les choix du passé et à rester dans les énergies fossiles. La sortie des fossiles ne va pas se faire toute seule.
La transition énergétique n'est-elle pas inéluctable, quelle que soit la majorité politique au pouvoir, avec notamment la chute des coûts des renouvelables ?
Il y a un risque réel que la transition puisse être ralentie voire même qu'elle déraille. Ce qui est essentiel pour la transition du côté des entreprises, des investisseurs, des marchés, c'est des signaux clairs, un cap de long terme qui soit envoyé par le gouvernement. Or tous les signaux envoyés (par le RN, ndlr) sont des signaux de confusion, d'incertitude, d'instabilité... ça crée de l'immobilisme en particulier chez les investisseurs, qui ne vont investir dans la transition que s'ils ont le sentiment qu'il y a un cap clair qui va être suivi par le gouvernement, j'ai envie de dire même au-delà d'alternances politiques éventuelles.
C'était la force à mon sens du Pacte vert européen, qui avait été approuvé quasiment par l'ensemble des partis du spectre démocratique. Le signal de la COP28 était aussi très clair parce que ça dessine un horizon par 197 pays qui a priori ne sont d'accord sur rien. Là, s'il y a cette incertitude, évidemment on va avoir de gros problèmes d'investissements pour la transition.
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Autre point : on a volontiers tendance à croire que la transition est en marche, est inéluctable, dépasse un peu les questions d'alternance de gouvernement. Mais l'exemple de la Suède doit nous interroger, avec un gouvernement très à droite qui dépendait de l'extrême-droite... Le résultat, c'est que les émissions de la Suède sont reparties à la hausse. Alors que la Suède historiquement a toujours été le bon élève de l'Europe en matière d'écologie. Donc on voit bien qu'on peut mettre un coup d'arrêt brutal à la transition.
Marine Le Pen se réfère aux réacteurs nucléaires de 4e génération ou encore à la possibilité d'installer des centrales de dessalinisation de l'eau dans les zones exposées à la sécheresse. La solution est-elle dans le recours aux technologies ?
Il y a une partie des solutions qui viendront évidemment des technologies mais c'est une illusion de penser que la technologie va résoudre une série de problèmes, notamment parce qu'on va avoir besoin de combiner les solutions entre elles : des solutions technologiques, des politiques ambitieuses mais aussi des changements de comportements et d'habitude de consommation... Il va falloir combiner tout ça donc si on ne fait qu'une seule chose sans toucher aux autres aspects, le problème c'est qu'on ne va jamais y arriver.
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Avec AFP.