La LPO et One Voice ont déposé un référé pour que la martre des pins sorte enfin de la catégorie des ESOD, c'est-à-dire des "nuisibles".
©LubosHouska/Pixabay
Biodiversité

Allain Bougrain-Dubourg : "peine de mort pour une martre innocente"

Les marches du Conseil d'Etat me sont devenues familières. Tristement familières. Elles signifient, qu'une fois de plus, la plus haute juridiction de France va se pencher sur l'avenir de la biodiversité en sursis. 

Je ne compte plus les marches gravies. Tant de dossiers depuis tant d'années. Là haut, nous avons plaidé pour que les oies ne soient plus chassées en février, que les ortolans cessent d'être massacrés ou que la glu ne fige plus des milliers d'oiseaux désemparés. La justice ne nous a pas toujours donné raison mais elle a suivi à une écrasante majorité nos recommandations. Bien des animaux doivent leur tranquillité à la magistrature suprême. 

Lundi dernier, une nouvelle fois, la LPO et One Voice ont déposé un référé pour que la martre des pins sorte enfin de la catégorie des ESOD, comprenez des "nuisibles". Le Ministère de la Transition Ecologique la jugeait coupable de participer au déclin des grands tétras, la Fédération Nationale des Chasseurs également présente, a eu le culot de déclarer, la main sur le cœur, qu'un seul tétra disparu et l'espèce risquait l'extinction. C'était oublier que, durant des décennies, les chasseurs se sont obstinés à tirer sur le grands tétras, par ailleurs partout protégés en France. Il a fallu multiplier les contentieux devant les tribunaux administratifs, puis solliciter le Conseil d'Etat pour qu'enfin un cessé le feu soit imposé aux chasseurs. Et les voilà aujourd'hui, dégoulinant de larmes de crocodiles, demandant la peau de la martre dont on n'a même pas évalué les dégâts. 

Une espèce en danger

Lors des plaidoiries qui se sont déroulées durant plus d'une heure, j'ai proposé à la Présidente de prendre du recul pour analyser la stratégie du Ministre qui, en complicité avec les chasseurs, voulait rayer la martre des vivants afin de sauver les grands tétras. Sur quelle base ? Quel protocole de protection était-il envisagé ? Avec quel encadrement scientifique ? Lorsque des associations de protection de la nature portent des "Programmes Life" ou des PNA (Plan National d'Action) pour préserver telle ou telle espèce, la moindre action est soumise à autorisation. Pas question de poser une balise Argos, d'intervenir sur le territoire sensible, etc... sans que l'action soit rigoureusement validée. Pour la circonstance, le Ministère s'autorise tout sans contrôle. "La martre pourrait prédater le grand tétra", il faut l'abattre ! Juge t-il ! En suivant ce raisonnement, on pourrait aussi condamner la cigogne blanche (protégée) parce qu'il lui arrive de s'emparer d'écrevisses à pattes blanches (également protégées). On pourrait aussi mettre un coup de fusil au faucon pèlerin (protégé) qui dérange parfois les sternes de Dougall (également protégées). 

Du haut de sa puissance, le Ministère aurait capacité de vie ou de mort sur la faune sauvage au gré de ses inspirations... La Présidente a semblé attentive à tous les arguments lors de l'audience en promettant que sa décision ne saurait tarder.

Effectivement, dès le mardi, le Conseil d'Etat se prononçait. Il n'a pas entendu nos arguments. La martre reste coupable en référé. Nous la défendrons à nouveau sur le fond dans les mois à venir. 

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