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Tendances

Après l’empreinte carbone, un outil pour calculer son empreinte eau

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Invisible, la consommation d’eau douce nécessaire à la production, la distribution et au traitement des biens et services a un impact non négligeable sur l’environnement. Pour mieux visualiser cette empreinte, Nos Gestes Climat – un outil développé par l’ADEME, propose un calculateur qui permet d’évaluer les litres d’eau que nous consommons au quotidien. Zoom sur cette initiative.

Si la question de l’empreinte carbone gagne en visibilité, celle de l’empreinte eau reste encore méconnue. Et pour cause. Il s’agit de l’eau douce consommée pour produire et distribuer les biens et services de notre quotidien. Autrement dit, l’eau qui a servi à faire pousser les fruits, légumes, céréales que nous mangeons ainsi que le coton que nous utilisons pour la fabrication de nos vêtements.  

Ce sont aussi les quantités d’eau qui permettent d’alimenter les animaux que nous consommons, ou encore celles dont nous avons besoin pour la production d’électricité ou l’extraction des matériaux des appareils numériques. 

Cachée, cette consommation peut toutefois se révéler particulièrement importante. En moyenne, les Français ont une empreinte eau comprise entre "4 000 et 8 000 litres par jour", estime l’ADEME. Or cette ressource est loin d’être inépuisable. 

Un impact invisible 

Afin d’aider le grand public à mieux appréhender cet impact invisible, Nos Gestes Climat – un outil de sensibilisation à l’empreinte écologique développé par l’ADEME, a mis au point un calculateur permettant de mesurer l’eau que nous consommons chaque jour à travers nos activités quotidiennes.  

Lancé en novembre dernier, cet outil a été élaboré en collaboration avec six agences de l’eau (Artois-Picardie, Adour-Garonne, Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse et Rhône-Méditerranée-Corse) et s’appuie sur le même modèle que celui dédié à l’empreinte carbone. Conçu également par Nos Gestes Climat, il repose sur la méthode AWARE recommandée par la Commission européenne, et s’intéresse à l’eau bleue, c’est-à-dire l’eau prélevée.  

Elle correspond à "l’extraction d’eau douce que nous réalisons dans des sources souterraines ou de surface. La partie de l’eau prélevée qui n’est pas rendue à son écosystème, à savoir qui ne revient pas après utilisation dans le même bassin versant, est dit “consommée” : soit qu’elle s’est évaporée, ou incorporée dans le sol, les plantes ou les objets produits", note l’ADEME dans un article publié le 5 septembre dernier. 

Le saviez-vous ? 

La fabrication d’un jean nécessite 30 000 litres d’eau, principalement pour la culture du coton.  

Source : Nos Gestes Climat 

Mieux gérer sa consommation 

Cette méthodologie ne prend ainsi pas en compte l’eau grise. Autrement dit, "la quantité d’eau qui a été nécessaire pour dissoudre les polluants intégrés dans l’écosystème", précise l’ADEME. L’eau du robinet, de la douche, des toilettes ou encore de l’arrosage ne sont donc pas comprises dans le calcul car elles sont restituées une fois consommées.  

Après avoir quantifié l’impact de nos usages, l’outil multiplie ces consommations par le facteur de stress hydrique du territoire concerné. Il s’agit d’ "une situation dans laquelle les demandes en eau sont supérieures aux ressources disponibles", détaille l’agence. Plus le facteur de stress hydrique est élevé, plus l’empreinte eau le sera aussi. 

Certains postes sont par ailleurs plus consommateurs que d’autres. En moyenne, 70 % de l’empreinte eau est issue de l’alimentation. Cela englobe l’eau consommée pour la culture des végétaux, ceux que l’on mange directement mais aussi ceux qui permettent de nourrir les animaux d’élevage. 

Un nouveau rapport à l’eau ? 

Afin de réduire cet impact, le calculateur développé par Nos Gestes Climat met en lumière plusieurs solutions. Parmi elles : la diminution de la consommation de poissons, de viande et de produits d’origine animale (lait, oeufs...) mais aussi la végétalisation de son alimentation. 

"Les légumes ont une empreinte eau majoritairement faible. En moyenne, tous les légumes se situent sous le seuil des 1 000 litres-équivalent / kg de produit", souligne l’ADEME qui recommande toutefois de ne pas abuser des fruits frais qui nécessitent beaucoup d’arrosage. 

Au-delà des gestes individuels, certaines voix s’élèvent également afin de repenser en profondeur notre rapport à l’eau. "Nous devons décloisonner et connecter l’ensemble des disciplines scientifiques entre elles (sciences de l’eau, des sols, du végétal, des champignons...) afin d’élargir notre vision et changer notre perception du grand cycle de l’eau", plaide l’hydrologue Charlène Descollonges dans son dernier livre Agir pour l’eau

La spécialiste préconise notamment "d’intégrer le pouvoir rétroactif du vivant tant sur le cycle de l’eau que sur le climat." Pour elle, "il s’agit notamment de reconnaitre la théorie de la pompe biotique qui explique le rôle indispensable des forêts et des champignons dans la genèse des pluies sur les continents. Cette théorie permet d’éclairer de nouveaux concepts, comme les bassins atmosphériques qui délimitent les zones où se forme la pluie et là où elle tombe".

Un nouveau paradigme qui fait son chemin, à l’heure des sécheresses et des crises de l’eau.