Iheb Triki, co-fondateur de Kumulus Water.
© DR/Kumulus Water
Inspirations

Iheb Triki ou comment lutter contre les pénuries d’eau grâce à la technologie

Article réservé aux abonnés

Depuis 2022, l’ingénieur franco-tunisien Iheb Triki s’est lancé dans l’entrepreneuriat en co-fondant Kumulus Water – une start-up qui conçoit et commercialise des machines intelligentes et connectées, capables de produire de l’eau à partir de l’air. Avec cette innovation, lauréate du concours i-Lab 2024, l’entrepreneur "à impact" ambitionne d’apporter une solution aux problèmes d’accès à eau dans l’ensemble des pays touchés par la sécheresse. 

A 39 ans, Iheb Triki fait partie des startuppeurs les plus scrutés. Formé à l’Ecole polytechnique et à l’université de Berkeley, aux Etats-Unis, cet ingénieur franco-tunisien, qui a travaillé pendant dix ans dans le domaine des énergies renouvelables – d'abord comme conseiller auprès du ministre de l’Energie en Tunisie, puis directeur des investissements chez Swiscorp, a notamment réussi à attirer l'attention du milieu de la tech avec sa start-up, Kumulus Water.

© DR/Kumulus Water

Co-fondée en 2022 avec Mohamed Ali Abid, celle-ci a mis au point une machine capable de transformer l’air en eau potable. L’idée de cette solution - qui semble tout droit sorti d’un film de science-fiction, est née lors d’une randonnée de plusieurs jours dans le désert tunisien, au cours de laquelle Iheb Triki était chargé de l’approvisionnement en eau pour le groupe.

Anticiper les épisodes de sécheresse 

"Un matin, je me suis réveillé et j’ai découvert que la rosée avait recouvert nos tentes et nos voitures. A mon retour, je me suis mis en tête de répliquer ce phénomène naturel. Je me suis dit que cela pourrait être une alternative intéressante pour répondre aux pénuries d’eau", raconte l'ingénieur de formation.

Après quelques recherches, il se rend compte que des start-ups, notamment en Israël et en Inde, ont déjà emboîté le pas sur ce marché. L’entrepreneur n'abandonne néanmoins pas son projet et choisit de se démarquer en faisant le pari de lancer une technologie à une échelle plus globale.

Avec 70 machines vendues depuis, la start-up a ainsi fourni de l’eau potable à plus de 3 000 élèves dans une dizaine d’écoles en Tunisie et au Maroc, mais aussi approvisionner des employés de l’usine Seat dans la banlieue de Barcelone, en Espagne - où des coupures d’eau ont régulièrement lieu.  

Quand on parle de stress hydrique, on pense tout de suite au Moyen-Orient et à l’Afrique subsaharienne, mais les pays développés peuvent aussi avoir du mal à se procurer de l’eau. On le voit en Italie ou encore en France, notamment dans le Var ou à Mayotte", développe-t-il. 

Des freins à lever pour passer à l’échelle 

Les machines de Kumulus Water, installées à la villa Carmignac, sur l'île de Porquerolles (Var).
© DR/Kumulus Water

Une approche qui implique toutefois d’adapter la solution à chaque zone géographique. "Les normes sur l’eau sont par exemple moins contraignantes en Afrique qu’en Europe", souligne l’ingénieur.

En France, la start-up tente de lever ce frein en collaborant avec les services de l'Etat, comme France expérimentation mais aussi la présidence de la République. L'objectif est de leur formuler des recommandations afin de pousser l'Etat à faire évoluer le cadre réglementaire.  

 

Les textes législatifs n’interdisent pas les générateurs d’eau atmosphérique mais ils ne les autorisent pas non plus de manière claire”, décrit-il. 

Autre défi : perfectionner la solution pour que celle-ci puisse produire une eau propre à la consommation dans tous les environnements. "L’étape la plus difficile n’est pas de créer de l’eau mais de la potabiliser et de la minéraliser. Aujourd’hui, nous utilisons des pierres naturelles pour reproduire ce qu’il se passe dans les rivières, mais nous travaillons aussi sur un autre procédé." Un projet que le co-fondateur préfère tenir secret pour le moment. 

A travers Kumulus Water, Iheb Triki cherche par ailleurs à offrir une alternative aux bouteilles en plastique. Un fléau environnemental qui pourrait également avoir des répercussions géopolitiques, selon lui. 

"Plus on puise de l’eau pour produire des bouteilles en plastique, plus on va créer des carences. Or, partout dans le monde, on vit de plus en plus d’épisodes de sécheresse qui nous amènent à manquer d’eau. A terme, ces situations vont engendrer des tensions et de l’instabilité", alerte-t-il.  

Pour aller plus loin : "Comment vivre presque sans plastique ?"