Lactips fabrique du bioplastique à partir de lait de vache dans son usine à Saint-Paul-en-Jarez (Loire).
© DR/Lactips
Solutions

Des emballages biodégradables à base de lait pour remplacer le plastique ?

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Afin de contribuer à la réduction de l’impact environnemental de l’industrie du plastique, la société française Lactips a développé une solution hydrosoluble et biodégradable à partir de protéine de lait. Une alternative qui présente plusieurs avantages mais aussi quelques limites. ID fait le point. 

460 millions. C’est le nombre de tonnes de plastique produites en 2022, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Avec l’avènement de la grande distribution dans les années 70-80, la production de plastique jetable n’a cessé de croître à tel point qu’on retrouve aujourd’hui cette matière dans de nombreux objets du quotidien.  

Léger, résistant, bon marché, le plastique a tout pour plaire côté pile. Mais côté face, la réalité est moins reluisante. Au-delà des étapes de production – qui génèrent d’importantes pollutions, la phase d’utilisation et la fin de vie des objets en plastique ne sont pas sans conséquence pour l’environnement. D’après l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), les plastiques représentent 80 % des déchets en mer. A cela s’ajoute le problème des microplastiques : "24 milliards flottent à la surface des océans". 

Un procédé innovant 

Face à ce fléau écologique, des alternatives essaiment, comme les plastiques biosourcés ou biodégradables, à l’image de ceux proposés par la société Lactips, basée à Saint-Paul-en-Jarez (Loire). Leur particularité : ils sont fabriqués à partir de caséine, une protéine présente dans le lait de vache. 

Lactips

L’idée d’utiliser ce sous-produit est née en 2014, à la suite de travaux de recherche menés par Frédéric Prochazka, enseignant-chercheur à l’université de Saint-Etienne (Loire). "La matière n’est pas nouvelle en soi. On la retrouve depuis longtemps dans différentes industries, comme la papeterie, la peinture...Notre innovation réside dans le procédé de valorisation que nous avons développé et fait breveter", souligne Bertrand Duperoux, vice-président commercial et marketing chez Lactips. 

La protéine de lait est notamment mélangée à des ingrédients naturels, comme de l’eau, afin de fabriquer un granulé qui va être fondu pour lui donner différentes formes selon l’usage souhaité.

Cette matière est ensuite dissoute dans de l’eau pour en faire une sauce – que l’on appelle une solution. Celle-ci vient s’appliquer sur un papier pour lui conférer des propriétés barrières en remplacement des autres matériaux plastiques d’origine fossile, qui sont largement utilisés aujourd’hui”, développe Bertrand Duperoux. 

Des freins à lever 

Lactips fabrique du bioplastique à partir de caséine.
© DR/Lactips

Conçu à partir d’ingrédients naturels, les bioplastiques de Lactips sont présentés comme des matériaux hydrosolubles, c’est-à-dire capables de se dissoudre dans l’eau, et biodégradables. "Si notre matière est en contact avec de la terre, de l’humidité, de la chaleur, elle se dégrade dans la nature en 25-30 jours, comme un déchet organique", précise le vice-président commercial et marketing. 

Si cette alternative permet de réduire l’impact sur l’environnement des déchets plastiques, elle présente aussi quelques limites en termes d’empreinte carbone. En cause principalement : les matières premières nécessaires à la fabrication de ces plastiques. 

"Nous travaillons sur un plan de 'décarbonation'", assure Lyes Chiheb, responsable développement durable de Lactips, avant d’ajouter : "L’idée est d’être résilient et de voir ce qu’il se fait sur le marché en termes de nouveaux ingrédients, de sourcer au plus près, en France et en Europe."

"Impulser le changement"

Autre défi : continuer à convaincre les industriels de changer leur manière de produire. "Parfois, on a l’impression de se battre contre des moulins à vent. Le monde des biopolymères représente moins de 1 % du marché total. Nous sommes une goutte d’eau. Mais on ne perd pas espoir. Il y a une demande de plus en plus croissante pour ce type de solution, qui est notamment impulsée par les consommateurs, plus sensibles à l’environnement et à l’impact des produits qu’ils achètent sur leur santé. La réglementation européenne pousse également les industriels à agir", explique Bertrand Duperoux. La question du prix peut toutefois représenter un frein à l'action.

Nos bioplastiques représentent un coût économique qui ne doit pas être négligé. Néanmoins, les acteurs du marché ont bien compris qu’il y avait un premium à absorber par rapport aux plastiques de l’industrie fossile qui sont là depuis soixante-dix ans. On ne peut pas se positionner sur le même plan d’un point de vue économique. Le problème réside davantage dans leur capacité à impulser le changement au niveau du consommateur”, relève le vice-président commercial et marketing. 

Avec plus de 20 millions d’euros levés depuis sa création, Lactips intéresse aujourd'hui principalement le marché de l’emballage, avec par exemple la fabrication de films pour les tablettes de détergents utilisés dans les lave-vaisselles. Sans communiquer de chiffres, l'entreprise indique s'inscrire dans une démarche de croissance.

Le 11 septembre dernier, dans le cadre d'un dispositif de France Relance 2030, Lactips a reçu une subvention de l'Etat, aux côtés de onze autres start-ups et PME. Un coup de pouce qui doit lui permettre d'"optimiser en continu les process industriels" mais aussi "soutenir la croissance" de l'activité.

Pour aller plus loin : "Comment vivre presque sans plastique ?"