Le gouvernement prévoit d'instaurer en 2024 une nouvelle taxe sur les concessions autoroutières et les grands aéroports.
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Projets d'autoroutes : pourquoi font-ils polémique ?

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Normandie, Eure-et-Loire, Tarn, la plupart des départements français font face depuis plusieurs mois, parfois années, à de vives contestations des grands projets autoroutiers. Quelles sont les raisons de cette colère ? Analyse.

Contester un projet autoroutier peut parfois prendre des airs de fête. Le weekend dernier, les collectifs Naturalistes des terres, les Soulèvements de la Terre, et Non à l’autoroute A133-A134 ont organisé un rassemblement dans la ville de Léry (Eure), sur le tracé de la future quatre voies, sous la forme d'un festival, nommé "Des bâtons dans les routes". Tables rondes, balades en forêt, concerts, ont réuni environ 4000 personnes, selon les organisateurs. L’évènement s’est conclu par le blocage spontané de l’autoroute A13 par une centaine de manifestants.

L’A133 n’est pas la seule route qui fait polémique. Selon une enquête de Reporterre menée l’année dernière, 55 chantiers sont activement contestés en France. A Castres, Thonon-les-Bains ou Trancrainville, des collectifs se forment et mobilisent riverains et militants écologistes.

Désenclavement contre écologie

Du côté des pouvoirs publics et des concessionnaires, ces grands travaux permettront de désenclaver des territoires en les reliant aux grandes villes plus rapidement, ce qui devrait permettre le désengorgement des routes nationales et le développement économique des zones traversées. Jean Terlier, député du Tarn, fait partie des soutiens au projet d’autoroute Castres à Toulouse. Il explique à France Bleu Occitanie : "cette infrastructure est réclamée depuis près de trente ans pour permettre le désenclavement routier du Sud du Tarn et pour relancer l’attractivité de notre territoire […] On est le seul bassin d’emploi de plus de 100 000 habitants à ne pas être raccordé à l’autoroute, on a besoin de réparer cette inégalité territoriale".

En face, les activistes, écologistes et naturalistes pointent du doigt le bilan écologique de grands plans de bitumage pouvant prendre plusieurs années. Selon les calculs de Reporterre, 4 500 hectares devraient être recouverts par les nouvelles routes, pour un coût de presque 18 milliards d’euros.

Par exemple, en Haute-Savoie, le projet de liaison entre Machilly et Thonon-les-Bains, long de 16,5 km, doit mener à "la destruction programmée de plus de 150 ha, dont plus de 100 de forêt, de prairies, l'essentiel classé en zone humide. Ce sont aussi de nombreuses fermes qui sont touchées remettant en cause leur existence. "La filière reblochon s'en trouverait fragilisée", selon la confédération paysanne.

 De même, la liaison A154-A120 a pour but de relier l’Eure et l’Eure-et-Loire, pour un bilan carbone de 335 000 tonnes de CO2, selon le collectif d’opposition local. A Rouen, les associations dénoncent les risques de pollution des eaux, le tracé de la future route passant à proximité des aires de captage d’eau potable.

infographie projets routiers

"Anachronisme"

Les opposants aux autoroutes soulignent surtout le décalage entre la date de vote de ces projets faramineux et la date effective des travaux. Lors de la réunion du collectif Non à l’autoroute A154-A120, les associations de l’ESS concluent : "nous pensons qu’un chantier qui répond ici aux attentes de 1994 et qui ne sera opérationnel qu’en 2030 ne peut qu’être un anachronisme". Même son de cloche dans le Sud ouest. L’Autorité environnementale souligne dans son rapport en octobre 2022 que le projet "initié il y a plusieurs décennies, apparaît anachronique au regard des enjeux et ambitions actuels de sobriété, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution de l’air". En Haute-Savoie, la confédération paysanne dénonce un projet "digne des Trente Glorieuses".

Les opposants appellent plutôt au réaménagement des routes nationales existantes et gratuites. A Toulouse, la nouvelle autoroute ne ferait en réalité gagner que 15 minutes par rapport à la route nationale, pour un coût total d’environ 17 € de péage. Ils réclament de plus l’établissement de moratoire sur les futurs plans autoroutiers, à l'instar de la coalition La déroute des routes, rassemblant 47 collectifs à travers la France.

Des arguments qui semblent avoir été entendus par le gouvernement. Une grande "mise à plat" des projets autoroutiers a été débutée par le gouvernement. D’ici cet été, chaque projet sera examiné, "au regard de plusieurs critères, de désenclavement, d'engagements pris et d'impact environnemental" a précisé le ministre des transports Clément Beaune devant les députés le 2 mai. "Certains projets seront sans doute suspendus ou mis à l'arrêt", a-t-il annoncé.

Dans le cas de l’A69 entre Toulouse et Castres, le ministre a cependant affirmé que les travaux "vont commencer", même s’il a admis qu’il était encore possible de "faire mieux" sur les aspects environnementaux.

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