Loïc Pasquet (à gauche) et ses collègues ostréiculteurs et ostréicultrices dans la cabane 45 du port d'Arès (Gironde).
© Camille Tribout
Société

Pour l’ostréiculture en Gironde, la nécessité de se réinventer

Entre précarité, des charges qui augmentent et le changement climatique qui commence à se faire ressentir, Loïc Pasquet, ostréiculteur à Arès (Gironde) s'interroge sur les perspectives d'avenir de son métier. Reportage.

En Nouvelle-Aquitaine, à l'intérieur du bassin d'Arcachon, à Arès (Gironde), il n'est même pas dix heures que dans les cabanes de la Rue du Port Ostréicole, les machines tournent à plein régime. L'air marin est frais, le vent souffle et il tombe de fines gouttes. La terre, la pluie et l'eau de mer salissent les bottes des producteurs, affairés dans leur cabane. Des coquilles d'huîtres vides craquent à chaque pas. 

Loïc Pasquet, avec son tablier jaune, ses gants et son casque anti-bruit, sort de la cabane 45 où il séparait les paquets d'huîtres au marteau. Son père, Alain, lui-même ostréiculteur, fonde la Maison Pasquet dans les années 1980. Après le Lycée de la Mer, Loïc Pasquet le rejoint en 2013. Non pas facilité par la hausse des charges et un réchauffement climatique de plus en plus menaçant, l'élevage ostréicole des Pasquet anticipe et investit pour s'assurer des rendements supportables. 

Mécanisation du travail, un obligation pour les Pasquet

En réponse à l'augmentation du prix des charges de ces dernières années, la maison Pasquet a fait l'acquisition de machines pour augmenter sa production d'huîtres. "Ce n'est que le début, pareil pour le coût du matériel." Selon Loïc Pasquet, la mécanisation du travail est indispensable si un ostréiculteur veut être rentable, mais dans les cabanes voisines, certains conservent des méthodes plus traditionnelles. "Sans ça, on ferait comme les voisins de droite qui font tout à la main, deux palettes par jour. Avec la rampe et l'ensacheuse, on en fait 12. Aujourd'hui n'en faire que deux, ce n'est pas possible, on ne tiendrait pas."

À l'extérieur de la cabane, une rampe de lavage est remplie sans pause par un ostréiculteur. Elle se poursuit à l'intérieur où trois personnes travaillent dans un brouhaha incessant, à la chaîne, chacun sa tâche. Une sort les paquets, une autre vire les coquilles de moules et la dernière, les huîtres trop petites. Parfois, un coquillage rate la cagette posée au sol et rebondit sur les graviers. Le reste continue jusqu'à l'ensacheuse pour la mise en poche. 

L'échec de la vente en gros 

Toujours dans l'espoir d'accroître ses ventes, Loïc Pasquet, qui avant le Covid détenait cinq stands sur des marchés de la métropole bordelaise, s'est séparé d'eux pour se dédier exclusivement à la vente en gros à un revendeur qui lui achetait une douzaine d'huîtres à 4.50 euros au lieu des habituels 6.90 euros. Mais les stocks s'écoulaient trop rapidement face aux énormes commandes du revendeur. "J'ai vu que notre structure était trop fragile pour ne tenir qu'avec la vente en gros. D'abord parce que si le partenaire arrête, on met la clé sous la porte. Ensuite, parce que notre production est insuffisante. Il aurait fallu 15 ou 20 hectares. On n'en a que deux."

En peu de temps, Loïc Pasquet a abandonné la vente en gros, "j'ai compris la leçon", dit-il humblement. Il a récupéré un marché à Mérignac, à l'ouest de Bordeaux, où il vend le dimanche matin. Aussi, dans le but de s'implanter plus largement en Gironde, la Maison Pasquet livre des bourriches à l'hypermarché d'Arès et fournit en huîtres des restaurants du Bassin. 

Un distributeur de bourriches en libre-service 

La vente en gros, un pari raté, mais Loïc Pasquet reste à la recherche de nouveaux débouchés commerciaux, sans quoi, son activité d'ostréiculteur est vouée à disparaître, estime-t-il. En août 2021, il "mise gros" sur un distributeur en libre-service de bourriches : 36 000 euros qu'il espère rembourser rapidement. le producteur d'huîtres a fait le calcul, il faudrait en vendre 50 euros par jour pour être rentable en deux ans. Mais il a su tirer son épingle du jeu, "c'était un énorme risque, et finalement ça marche bien mieux qu'on ne l'espérait". 

Le distributeur d'huîtres est totalement automatisé, l'ostréiculteur est averti des ventes et des dates de péremption par téléphone.
© Camille Tribout

Au même moment, des passants curieux et des habitués prennent en photo le distributeur et achètent une bourriche. En vente directe ou dans les casiers libre-service, "les prix sont les mêmes, là-dessus, je n'ai eu aucune hésitation". 

Des inquiétudes face au changement climatique naissante

Si l'achat de machines et le déploiement de points de vente dans la région semblent porter ces fruits, c'est le changement climatique qui annonce une adaptation supplémentaire à prévoir, valable cette fois à l'ensemble de l'ostréiculture. Les comités régionaux de conchyliculture s'interrogent sur l'acidification des océans et la hausse des températures de l'eau. "Peut-être devra-t-on construire des nurseries-closeries pour reproduire en masse les larves, ou élever dans des hangars. Ça n'a aucun sens, mais c'est comme ça", se désole l'ostréiculteur.

Le bassin d'Arcachon semble pour le moment épargné, car ailleurs, les températures trop élevées des eaux affectent les populations de planctons, mettant en échec le développement des larves d'huîtres au profit d'autres espèces. 

Dans la cabane où sa femme sert des clients, Loïc Pasquet, le regard inquiet, confie que l'ostréiculture est sur un fil rouge face à la dégénérescence de l'espèce. "L'huître portugaise a déjà disparu à cause d'une maladie. Ça fait 20 ans qu'on élève l'huître japonaise, si elle disparaît aussi, qu'est-ce qu'il nous reste, que l'américaine ? Et après ?" 

La Maison Pasquet propose aussi ses huîtres en vente directe et dans son restaurant.
© Camille Tribout

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