83 % des 18-25 ans pensent qu'il faut changer ses habitudes de consommation.
© Li-An Lim/Unsplash
Société

La dissonance cognitive, obstacle à la transition écologique et sociale

Selon un sondage Ifop de novembre 2022, 83 % des jeunes estiment qu'il faut changer les modes de consommation pour répondre à la transition écologique et sociale. Or, entre intention et action, l'écart est souvent large. Les dissonances cognitives expliquent ce décalage persistant.  

Début août, une file d'attente de 40 mètres longeait le nouveau magasin éphémère Shein à Marseille, "temple" de la fast-fashion, première enseigne d'habillement des 18-24 ans. Même si la jeune génération se dit être la plus concernée par le dérèglement climatique, elle est la première qui se précipite aux portes de l'hyperconsommation. Pourquoi est-il si difficile de passer à l'action ? Fanny Parise est autrice des Enfants Gâtés, mythe du capitalisme responsable, elle explique les dissonances cognitives à travers ses lunettes d'anthropologue.

Les dissonances cognitives justifient l'écart entre intentions et actions

"Ce sont des mécanismes psychologiques, qui induisent une perception de la réalité et des réactions associées. Par le prisme de l'anthropologie, la dissonance cognitive explique l'écart entre les représentations des individus, ce qu'ils aimeraient faire, et leurs pratiques, ce qu'ils font vraiment." Ainsi, face à l'urgence climatique et d'autres problématiques contemporaines, nous cherchons à rendre nos incohérences du quotidien cohérentes "par des mécanismes tels que le crédit moral ou les injonctions paradoxales."

Une sorte de pansement qui rend la réalité supportable plutôt qu'inconfortable, qui permet de ne pas voir ce qu'on ne veut pas comprendre et "justifier notre inaction". La réalité du changement climatique génère des émotions de peur, de stress, d'inquiétude selon les stades d'information, "similaires à toutes les étapes de deuil, du déni à l'acceptation", souligne Fanny Parise. 

Dans notre environnement, "tout est fait pour que rien ne change"

Fanny Parise distingue plusieurs échelles auxquelles se manifestent nos dissonances cognitives. La première étant les pratiques individuelles et quotidiennes. Malgré notre conscience de l'urgence climatique, le poids des dépenses quotidiennes (nos liens avec les entreprises et services) structure notre vie quotidienne et requiert un effort important pour les changer. "L'être humain, quelle que soit sa culture et son époque, résiste au maximum au changement. Il nous fait peur et nous confronte à l'incertain."

La dissonance cognitive est le reflet d'une peur de la perte du confort de la société de consommation."

L'inertie de la société dans son ensemble et de notre modèle économique fait craindre une marginalité dès lors que l'on modifie nos pratiques. De ce constat découle une autre échelle : "La société nous promet une transition au prix du moindre effort et par la consommation. Tous ces éléments amènent une dissonance cognitive des individus, qui sont à une étape de digestion culturelle de l'urgence climatique, mais cherchent encore la solution la moins dérangeante possible."

Des individus de bonne foi puisque, quand bien même nous repensons individuellement nos valeurs et représentations, nous nous heurtons à la passivité de la société. "La dissonance cognitive est le reflet, à la fois d'une peur de la perte du confort de la société de consommation, et la difficulté à intégrer des contraintes dans un environnement où on nous a présenté l'abondance, la prospérité et le tout-illimité", analyse Fanny Parise. "Dans les imaginaires, les institutions, les gouvernances, les entreprises, tout est fait pour que rien ne change".

La transition, un paradigme des classes supérieures

Nos pouvoirs d'actions dépendent également de la lecture des strates de la société et des classes sociales. "Tel qu'il est construit, le discours sur la transition est fait par et au profit des classes supérieures qui normalisent une nouvelle forme d'hyperconsommation reposant sur des valeurs de responsabilité sociétale et écologique", ce que Fanny Parise nomme le capitalisme responsable. Il est une idéologie permettant de gérer à l'échelle collective un statu quo, et "par extension, des dissonances cognitives d'individus que l'on maintient dans une situation de confort".

À l'autre extrémité, les plus modestes "subissent la sobriété en raison des contraintes budgétaires, de temps et ne se reconnaissent pas dans la culture de l'éco-responsabilité et de transition prônée". Cette fracture sociale se double d'une fracture écologique, car au-delà de ne pas être tous égaux sur les questionnements engendrant de nouvelles pratiques, les réponses ne correspondent qu'à une minorité

"Faire le deuil de la société", exprime Fanny Parise, permettra d'enclencher la transition écologique et sociale. En attendant, "on peut s'inscrire dans des communautés alternatives réinventant les gouvernances ou dans des actions plus engageantes comme les résistances qui gonflent". Bien que les biais cognitifs persisteront quelque part, pour en sortir, Fanny Parise conclut sur la nécessité à prendre conscience de leur manifestation, et à prendre du recul avec nos quotidiens. 

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