Ouvert en septembre dernier à l'initiative de trois mères de famille, le "CAP" est l'unique café de ce village de 1 200 habitants, à 30 km de Rennes, depuis la fermeture du dernier café-tabac-relais de poste en 2018. "On voyait que le bourg s'éteignait, qu'on allait devenir un village dortoir. Même la messe tourne", raconte Lydie Sevestre, 49 ans, présidente de l'association qui gère le café.
Tenu par une trentaine de bénévoles, ouvert seulement le vendredi soir et le dimanche matin, le café se veut un "lieu d'amitié". Au programme : concerts, apéros, ornithologie, déco de Noël, retransmission de rugby... et des huîtres le dimanche. Le soutien de la mairie, qui paye le loyer, a été décisif. "On ressent l'incidence négative de la métropole qui capte les emplois, les commerces, et restitue peu aux territoires ruraux", regrette le maire Jean-Marie Princen.
A une dizaine de kilomètres, la "Barnadette" a vu le jour en juin à Chanteloup. La mairie a très vite adhéré au projet de l'association d'habitants "Les petits liens" en rachetant la maison de l'ancienne doyenne du village pour y installer le bar. De l'atelier jus de pomme à l'escape game, "le but est créer du lien en évitant le bar de bobos, mais ce n'est pas toujours facile de faire venir les gens", reconnaît Alain, retraité bénévole.
Loin de l'image des bars classiques, les cafés associatifs entendent d'abord rassembler les habitants autour d'événements, et évitent soigneusement les interférences avec les autres fêtes associatives. En Bretagne, où 8 % des cafés ont disparu entre 2009 et 2015, selon le Credoc, les initiatives citoyennes progressent, "avec une accélération à partir de 2013", selon Pascal Glemain, maître de conférences en Économie sociale et solidaire à Rennes 2.
"Espace de vie sociale"
"Ces cafés consolident le lien social dans les zones en déclin démographique, et répondent dans d'autres zones au besoin d'intégration sociale des urbains qui viennent vivre à la campagne", analyse M. Glemain. Pour développer les liens sociaux et lutter contre l'isolement, certains cafés obtiennent l'agrément "espace de vie sociale" de la Caisse d'allocations familiales (CAF), assorti d'un financement.
C'est le cas du Mix'Café de Tressignaux (Côtes-d'Armor), 700 habitants, financé à 60 % par la CAF et qui bénéficie également d'une licence IV mise à disposition par la mairie. Selon l'Umih, syndicat de l'hôtellerie-restauration, 500 cafés disparaissent chaque année. Pour y remédier, les députés ont autorisé fin novembre l'ouverture de nouveaux bars en zone rurale via la remise en circulation de licences IV.
Cette mesure rejoint l'appel à projets lancé par le groupe SOS, et soutenu par le gouvernement, pour déployer 1 000 cafés en zone rurale. Mais sur le terrain, ces initiatives sont parfois fraîchement accueillies, comme au Guibra, bar, épicerie et restaurant associatif de Saint-Sulpice-la-Forêt, à la programmation culturelle très fournie. "On supprime les services publics dans les campagnes et on veut faire revenir des cafés qui seront des coquilles vides", s'étonne Constance, associée salariée, pour qui "les initiatives qui réussissent sont d'abord le fruit d'un engagement citoyen".
"Il y a un vrai intérêt pour la reprise de commerce en milieu rural sous forme collaborative. La plupart renaissent des cendres de commerces traditionnels qui n'ont pas fonctionné", constate Mikaël Laurent, coordinateur du réseau de communes bretonnes Bruded. Les cafés peuvent ainsi prendre la forme de "SCIC", sociétés coopératives d'intérêt collectif, à mi-chemin entre association et entreprise, qui associe les clients à la gouvernance.
"On ne se voyait pas reprendre un commerce sans impliquer les habitants", témoigne Yves de Montgolfier, d'"Un café des possibles", bistrot-épicerie de Guipel, à la façade orange et aux 93 sociétaires. L'ancien animateur socio-culturel souhaite y développer "une nouvelle forme de gestion d'un commerce". Une façon pour lui de montrer "que la dynamique des territoires ruraux n'a rien à envier à celle des métropoles".
Avec AFP.
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