Ces personnes -4% des 18 millions de plus de 60 ans - n'ont aucun contact avec de la famille, des amis, le voisinage ou des associations, selon une étude CSA réalisée en avril 2025 par l'association, qui mesure tous les 4 ans depuis 2017 leur isolement en prenant en compte ces quatre cercles de sociabilité.
Leur nombre a augmenté de 42% par rapport au précédent baromètre de 2021, année du Covid.
En 2017, elles n'étaient "que" 300.000 dans cette situation.
"Je n'ai jamais été mariée, et n'ai pas eu d'enfants. Je me suis beaucoup occupée de mes parents et à leur mort je me suis retrouvée dans une grande solitude", confie Michelle S., ancienne formatrice dans une multinationale, agée de 83 ans.
Ses liens sociaux se résument à une conversation épisodique avec une amie en province, une balade une fois par mois avec un couple de voisin.
"J'ai l'impression d'être inutile, je me demande pourquoi je suis sur Terre car je n'ai pas de but, sans enfant, ni famille", confie-t-elle, avouant avoir trouvé refuge dans l'alcool.
Deux millions de seniors sont isolés des cercles familiaux et amicaux, un nombre qui a plus que doublé (+120%) depuis 2017, selon le baromètre.
Le vieillissement de la population explique cette explosion, ainsi que la rupture des liens sociaux pendant la crise du Covid: les plus fragiles n'ont jamais retrouvé leurs habitudes d'avant, selon les Petits Frères des Pauvres.
"Autour de 80 ans, avec le décès du conjoint, des amis et des voisins du même âge, les seniors sortent moins, car ils sont moins autonomes, ne conduisent plus", ajoute la responsable du pôle plaidoyer Isabelle Sénécal.
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En effet 1,5 million de personnes âgées ne voient jamais ou quasiment jamais leurs enfants et petits-enfants, contre 470.000 en 2017, selon le baromètre. S'y ajoutent 3,2 millions de personnes sans enfants ou petits-enfants.
"Bonjour-bonsoir"
La baisse de la natalité pourrait aggraver cet isolement à l'avenir. "On a besoin de natalité pas seulement pour financer les retraites mais pour éviter l'isolement au grand âge, facteur de perte d'autonomie, de mal-être, voire de dépression. Car les premiers aidants sont la famille", selon Mme Sénécal.
Le taux de suicide des 85-94 ans était de 35,2 pour 100.000 en 2022, deux fois plus élevé que la population générale.
Daniel L., 77 ans, a basculé dans la solitude à la mort de sa femme en 2021. "Ni moi ni ma soeur n'avons d'enfant. Mes amis ont des problèmes de santé, je les ai perdus de vue", dit l'ancien technicien chimiste dans l'agroalimentaire.
1,1 million de personnes âgées n'ont quasiment pas de lien avec des amis et 2,7 avec leurs voisins au-delà d'un simple "bonjour-bonsoir", selon l'étude.
Etre sans famille proche, ne pas utiliser internet, avoir des revenus faibles, être en perte d'autonomie sont des facteurs de risques menant à la "mort sociale", relève l'association.
"Une personne âgée sur deux ne sort pas de chez elle tous les jours. Surtout en milieu rural, où elles disposent moins de commerces, d'associations ou transports en commun", indique Mme Sénécal.
"Aux déserts médicaux s'ajoutent de plus en plus des déserts commerciaux", note Yves Lasnier, président des Petits Frères des Pauvres.
Quant aux associations, elles réduisent leurs activités, faute de soutien financier, souligne-t-il.
Le réseau Monalisa (Mobilisation nationale contre l'isolement des âgés), qui fédére 600 organisations et 1000 "équipes citoyennes", compte mobiliser les citoyens pour maintenir le lien social malgré les contraintes budgétaires.
"Si on ne compte que sur des professionnels, de moins en moins nombreux, ils vont s'épuiser", explique Boris Callen, son délégué général. "Nous engageons un réseau de proximité de citoyens qui peut venir en complémentarité d'une infirmière ou aide à domicile", assure-t-il.
Avec AFP.