Des batteries de tests ont été mises en place pour traquer les bactéries indésirables.
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Santé

Sécurité alimentaire: des batteries de tests pour traquer les bactéries indésirables

Des échantillons de poisson frais pesés au gramme près, des bouts de saucisses mis à macérer... Dans ce laboratoire spécialisé dans le contrôle alimentaire, démasquer et quantifier les bactéries dangereuses pour la santé a des allures d'"enquête policière".

Salmonelle, listeria, escherichia coli: plus de 20.000 échantillons alimentaires sont analysés chaque semaine, jour et nuit, sur le site de Mérieux NutriSciences à Merville (Nord), près de Lille.

L'objectif est de "démontrer l'absence de ces bactéries pathogènes", une tâche "plus difficile que de chercher leur concentration" dans un produit, a expliqué le patron de cette filiale franco-américaine de l'Institut Mérieux, Nicolas Cartier, lors d'une visite de presse vendredi.

En cas de détection d'une bactérie indésirable, la réaction doit être immédiate pour éviter toute contamination en chaîne. C'est "comme une enquête policière" qui se joue, illustre le directeur général pour la France de Mérieux NutriSciences, Stéphane Huet, précisant que seulement 1% des échantillons se révèlent positifs mais que dans ce cas, l'industriel doit alerter les autorités.

La France est un acteur majeur dans le contrôle de qualité et de sécurité alimentaires avec Eurofins, champion mondial des analyses, et Mérieux NutriSciences, son dauphin né du rachat par l'Institut Mérieux du réseau américain de laboratoires Silliker, dans les années 1990.

En chambre chaude

A Merville, les analyses sont réalisées principalement à la demande des clients de l'industrie agro-alimentaire, en fonction des contrôles systématiques programmés pour répondre aux réglementations sur la sécurité alimentaire.

Ici, une technicienne découpe du poisson frais en petits carrés, "40 g précisément" à peser et à mettre en sachets pour l'analyse. Là, des bouts de saucisses macèrent dans "un bouillon de culture" où se développeront d'éventuelles bactéries.

Les échantillons sont ensuite incubés un à trois jours dans l'une des trois chambres chaudes, entre 25°C et 44°C. L'analyse repose sur la culture bactérienne, sur le principe de "dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es", chaque bactérie se nourrissant de nutriments bien spécifiques, précise M. Huet.

Pour une détection rapide, la technique PCR agit comme une loupe moléculaire, tandis qu'une autre technique dite de Maldi-tof, sert à identifier le micro-organisme détecté.

Des scandales sanitaires comme les pizzas Buitoni contaminées à la bactérie E. coli ou des lasagnes étiquetées pur boeuf mais contenant de la viande de cheval ont rappelé l'importance de la sécurité et de la traçabilité alimentaires.

Chaque année, 10.000 à 16.000 personnes sont touchées par une infection d'origine alimentaire causée par des bactéries pathogènes en France, en milieu familial, restauration commerciale ou collective, selon Santé publique France.

"Plus c'est cru, plus c'est risqué"

"Plus c'est cru, plus c'est risqué", rappelle Nicolas Cartier. "Les bactéries aiment les matières vivantes" et les produits laitiers constituent ainsi un "champ important de l'activité" de Mérieux NutriSciences qui compte plus de 140 laboratoires dans le monde pour un chiffre d'affaires supérieur au milliard de dollars.

"C'est au sein de l'Union européenne que les réglementations sont les plus strictes", souligne le dirigeant. Si des traces de salmonelle peuvent être tolérées dans le poulet cru aux Etats-Unis, elles sont interdites en Europe.

Parmi les autres menaces très surveillées: le germe cronobacter, redouté dans le lait infantile, et la bactérie campylobacter, dans la volaille crue mais aussi le lait non pasteurisé. Au-delà des bactéries, sont aussi traqués les résidus chimiques, comme les pesticides ou les métaux lourds, dont le cadmium dans le chocolat.

Les analyses vérifient aussi la conformité nutritionnelle: vitamines, sucres, graisses ou protéines doivent correspondre aux valeurs affichées. La vigilance s'impose aussi après les récoltes de céréales: si elles sont mal stockées, elles peuvent être colonisées par des moisissures qui peuvent développer des mycotoxines, souligne Cathy Eckman, responsable du laboratoire chimie de Merville. D'autant que le changement climatique peut favoriser leur prolifération.

Eurofins, qui analyse plusieurs millions d'échantillons par an en France, confirme que "les besoins évoluent en fonction notamment de l'émergence de nouveaux risques", avec par exemple une forte augmentation de "la demande pour des analyses de PFAS (polluants éternels)" dans l'eau et les aliments.

Avec AFP.