Les sols français contiennent entre 100 et 10 000 particules de microplastiques par kg de terre dans le premier mètre de profondeur. Parmi eux, les sols agricoles sont les plus touchés.
"La contamination totale des sols par les microplastiques est vraisemblablement supérieure à la totalité de celle des océans", explique le rapport de l’expertise scientifique menée par l’INRAE et le CNRS, à la demande des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique.
Un symbole de modernité
Le fonctionnement de l’industrie agro-alimentaire repose aujourd’hui en grande partie sur l’utilisation du plastique. Il permet de "protéger, préserver, transporter et promouvoir (...) les produits alimentaires", notamment grâce à sa légèreté et sa robustesse, couplées à son faible coût.
Dans le milieu agricole, le plastique sert surtout à conserver les fourrages, l'alimentation des animaux d’élevage. Il est aussi utilisé dans la construction de serres ou le paillage, une technique horticole consistant à recouvrir le sol autour d'une plante avec un matériau naturel ou synthétique, de façon à étouffer les mauvaises herbes.
S’il est aussi populaire dans ce secteur, c’est parce que sa démocratisation, à partir des années 1950, coïncide avec le développement du système agricole tel que nous le connaissons aujourd’hui. À l’époque "symbole de modernité", il a été le moteur d’une agriculture productiviste et a "participé à construire les systèmes de distribution et de vente du XXe siècle, favorisant les circuits longs et les cultures sous serre".
Un recyclage complexe
Au-delà d'alarmer sur la prégnance du plastique dans le monde agricole, l’étude pointe également l’évolution de la composition de ce matériau. "La volonté de combiner des propriétés, parfois incompatibles, aboutit à complexifier encore les formules avec l’ajout de différents additifs ou la production de multi-matériaux (matériaux multi-couches, alliages ou composites)."
Or la complexité des formules rend plus difficile le recyclage du plastique et "aucune technologie actuelle ne permet (sa) réutilisation complète". Il se dégrade tout au long du processus et nécessite l’ajout d’additifs supplémentaires pour être recyclé, l’empêchant d’être revalorisé en emballage alimentaire.
L’étude note l’existence de plastiques dits biodégradables, "mais ils ne se décomposent que dans des conditions très spécifiques, voire uniquement en milieu industriel contrôlé", notamment à cause de certains composants.
Des conséquences nocives pour la santé
"Tous les organismes vivants sont contaminés par les microplastiques, y compris les humains", alertent les auteurs du rapport. Ils ont été retrouvés "dans la plupart des organes, comme les poumons, le système digestif, le placenta (...) et les fluides, dont le lait maternel".
Pour aller plus loin : “Comment vivre presque sans plastique ?”
Leur présence n’est pas anodine. Les études sur le sujet estiment que la présence de ces minuscules particules dans le corps humain est responsable de pathologies du système reproducteur, d’inflammations et de fibroses dans le foie, les reins, les poumons et le cœur. Ils peuvent également avoir des effets neurologiques.
Certaines substances, comme les phtalates et le bisphénol A, sont reconnues comme perturbateurs endocriniens, contribuant au développement de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2 ou de cas d’obésité.
Face à ces constats, les scientifiques soulignent la "nécessité d’une réduction de la production de plastique" et appellent à revoir les stratégies mises en place, pour l’instant concentrées sur le recyclage.
Cette vision "renforce l’idée que consommer du plastique reste acceptable, freinant des changements culturels profonds, notamment dans les manières de s’alimenter". Le secteur agro-alimentaire représente aujourd’hui 20 % du plastique consommé en France.