La Garonne, la Loire, la Seine, le Rhône, le Rhin, l’Ebre en Espagne, la Tamise en Angleterre, le Tibre en Italie et l’Elbe en Allemagne et en République tchèque : ces 9 fleuves sont les objets d’étude de la fondation Tara Océan depuis 2019.
Première fondation reconnue d’utilité publique (FRUP) consacrée à l’océan en France, elle "mène depuis 2003 des expéditions scientifiques pour étudier la biodiversité marine, ainsi qu’observer et anticiper les impacts du changement climatique et des pollutions".
Il y a 6 ans, elle se lance dans un vaste programme d’étude de la pollution plastique fluviale afin de mieux comprendre celle des océans, qui se trouvent en bout de chaîne. Les résultats de cette étude sont parus ce lundi 7 avril dans un numéro spécial de la revue Environmental Science and Pollution Research.
Des fleuves massivement pollués
La principale conclusion de l’étude est sans appel : l’ensemble des fleuves européens est pollué. Si cette pollution est moins visible que pour d’autres cours d’eau de la planète, comme le Gange ou le Citarum, en Indonésie, elle n’en est pas moins alarmante. Les 2 700 échantillons prélevés et analysés dans 19 laboratoires par une quarantaine de chercheurs, sous la coordination du CNRS, ont révélé que la majeure partie de cette pollution prenait la forme de microplastiques.
Les auteurs de l’étude distinguent les "grands" microplastiques, visibles à l’œil nu (entre 500 micromètres et 5 millimètres) et les "petits", uniquement perceptibles au microscope (entre 25 et 500 micromètres).
De la taille d’un grain de riz, ces "grands" microplastiques sont très présents dans les fleuves européens. Les scientifiques estiment que leur concentration moyenne dans la Seine est de l’ordre de 3 particules par mètre cube. Sachant qu'elle a un débit moyen de 300 mètres cubes par seconde, 900 particules défilent chaque seconde sous vos yeux lorsque vous l'observez.
Une pollution chimique massive
Mais ce sont les "petits" microplastiques qui sont les plus inquiétants. Ingérés par la faune aquatique en raison de leur taille minuscule, ils intègrent directement la chaîne alimentaire. Ils contaminent ainsi l’entièreté des espèces vivantes qui la compose, dont les humains en bout de course.
Pour aller plus loin : “Comment vivre presque sans plastique ?”
Au-delà de simplement apporter du plastique dans les organismes vivants, ces derniers sont contaminés par les nombreux polluants charriés par ces microplastiques. En effet, l’étude révèle que ces particules, déjà chargées en substances toxiques en raison des additifs qui les composent, fonctionnent également comme des "éponges" à polluants une fois sous l’eau. Chacune d’entre elles charrie des métaux lourds, des hydrocarbures et des pesticides, qui finissent dans les mers et les océans.
Une bactérie dangereuse pour la santé humaine
Autre menace pour la santé humaine : la propagation de bactéries grâce à ces "petits" microplastiques. Celles-ci s’accrochent aux particules de plastique comme à des radeaux et s’y développent.
Parmi ces micro-organismes se trouve le shewanella putrefaciens, un pathogène particulièrement virulent pour l’être humain et responsable d'otites, d’infections des tissus mous, de péritonites et de bactériémies, une infection du sang. C’est la première fois que ce type de bactérie est identifié sur des microplastiques présents dans un fleuve.
L’étude souligne enfin qu’il est important de se questionner sur l’origine de ce plastique. Elle souligne notamment qu’un quart de ces particules sont des granulés de plastiques industriels, des petites billes servant à fabriquer de futurs objets en plastique. Celles-ci, petites et légères, ont tendance à s’envoler lors de leur transport et à terminer dans la nature. Lorsqu’il pleut, elles arrivent directement dans les cours d’eau.
Les trois quarts restants proviennent majoritairement de débris de plastiques à usage unique. L’étude rappelle ainsi que la formation des microplastiques n’est pas seulement un effet de l’usure des plastiques jetés dans la nature mais aussi de leur usure lorsque nous les utilisons. De quoi rappeler que le recyclage ne peut pas constituer l’unique solution face à la pollution plastique et qu’une remise en question de l’utilisation même de ce matériau est nécessaire.