©Mehdi Taamallah/Nurphoto/AFP
Interview

Face à une épidémie, la peur, le déni... puis la transition

Face à l’épidémie du coronavirus, un contexte de crise sanitaire s’empare du monde entier. Peur, déni, comment réagir face à ce type d'événement ? ID a posé la question à Flora Gapin, psychologue-clinicienne à Paris. Entretien.

Quelles sont les spécificités de la peur face à un contexte d'épidémie ?

©Flora Gapin

Tout d’abord, lorsqu’il s’agit d'une épidémie, l’être humain fait face à la propriété potentiellement mortelle du virus. Aussi, concernant le coronavirus, lorsqu'il ne touchait encore que les pays asiatiques, le phénomène de psychose collective ne s’observait pas encore. Maintenant que cette maladie peut toucher l'ensemble de l'espèce humaine et l’intra-muros, le sentiment de peur avec les résonances individuelles et collectives qu’il engendre est massif. Contrairement aux attentats d’origine humaine, l’épidémie renvoie l’humain à quelque chose d’encore plus déconcertant et son sentiment de vulnérabilité semble encore plus grand. Ici, dans notre imaginaire l'épidémie dépasse les moyens et les compétences des forces de sécurité ainsi que le pouvoir des municipalités à agir. Enfin, il s'agit d'une menace invisible à l'œil nu, ce qui majore notre impossibilité d’action et la représentation logique qui s’ensuit, celle qu'on ne peut rien y faire, que nous sommes impuissants.

Pourquoi y a-t-il une forme de déni pour certaines personnes face à ce genre de situation ?

Le nombre de victimes qui s’accroît, l’horizon du confinement, les protocoles de précaution sanitaire... À mesure que le virus s’approche, toute information colore un climat anxiogène pour l’homme, différentes réactions émotionnelles s’en dégagent et il n'y a rien de plus terrifiant pour l'être humain que le sentiment de ne pas avoir le contrôle sur une situation. C’est ce qui fait que nous avons vu ces phénomènes de rayons dévalisés. Ces personnes sont dans l’action donc ont l’impression d’être actives face à l’impuissance. Puis il y a ceux qui ont basculé dans le déni, parce que c'est une stratégie de défense qui se met en place de manière à la fois consciente et inconsciente. Elle consiste à nier, éviter une réaction insupportable pour la psyché du sujet. La plupart du temps, la situation implique des émotions fortes, que la conscience n’arrive pas à interpréter, ces émotions sont insoutenables et le déni permet alors de refuser la perception de la réalité et de se protéger de ce qui est ressenti comme intolérable.

Dans la transition, il y a l’idée que l’être humain va devoir, comme depuis la nuit des temps, s’adapter avec les capacités neurologiques et physiques qu'il possède.

Au contraire, comment appréhender et faire face à une forme de psychose ?

Les dynamiques émotionnelles que nous distinguons habituellement, outre la peur, sont l'anxiété et la panique. La peur suppose une menace directe et immédiate alors que l'anxiété est liée à l'anticipation d'une menace. La panique n'est pas de l'ordre de l'émotion, c'est une conséquence de la peur et de l'anxiété, qui est de l'ordre de l'action : certaines tombent alors dans une psychose.

Je pense que les attitudes à adopter pour éviter au mieux cette psychose est d’abord l’utilisation de bons médias garants d’une information certifiée, honnête et équilibrée. Ce serait la première arme pour lutter contre toutes les formes d’intox. Les médias peuvent potentiellement augmenter cette psychose collective et ces angoisses. Puis je dirais simplement de suivre les recommandations sanitaires et de ne pas aller au-delà. Il faut continuer à vivre, à se lever le matin pour aller travailler, parler d’autres choses, s’ouvrir et rester dans la vie.

J’aime l’idée de la transition car il y a un passé et un futur, là où dans l'effondrement il n'y a pas de futur, ce qui est très anxiogène.

D’après vous, comment appréhender notre avenir proche ? 

J’aime l’idée de la transition car il y a un passé et un futur, là où dans l'effondrement il n'y a pas de futur, ce qui est très anxiogène. Dans la transition, il y a l’idée que l’être humain va devoir, comme depuis la nuit des temps, s’adapter avec les capacités neurologiques et physiques qu'il possède. D’une société portée sur l’individualisme à outrance, il va devoir y avoir une bascule sur de nouveaux systèmes de cohabitation et d’aide pour peut-être survivre et s’adapter au changement. Je pense que les dynamiques individuelles et collectives vont changer et ceux qui resteront dans un modèle individualiste seront peut-être les plus menacés par un possible effondrement. Il va y avoir des réactions émotionnelles et comportementales particulières, nous allons observer le climat de peur généré par l’être humain, et ensuite la phase d’adaptation et nous verrons de nouvelles formes de cohabitation et d’entraides pour ainsi faire le deuil de ce que nous avons connu jusqu’à présent.

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