Décontaminer l'eau ? Il existe trois techniques, parfois combinées, pour traiter les éléments chimiques fluorés PFAS qui arrivent dans les usines d'eau potable et sont particulièrement difficiles à éliminer du fait de leur liaison carbone-fluor, une des plus solides de la chimie.
La technique la plus répandue est le charbon actif, souvent à base de noix de coco, utilisé pour d'autres familles de micropolluants. L'eau s'infiltre entre les grains de ce charbon à la surface poreuse: la technique fonctionne relativement bien pour un certain nombre de PFAS, mais pas pour les composés aux chaînes les plus courtes, comme l'acide trifluoroacétique (TFA).
Deuxième solution, les résines échangeuses d'ions sont de petites billes à base de polymère ou de silice, "conçues pour absorber des molécules spécifiques", explique Khalil Hanna, chimiste de l'environnement, professeur à l'École nationale supérieure de chimie de Rennes. Cette technique n'est cependant pas homologuée en France.
Enfin, la technique de filtration membranaire d'osmose inverse basse pression (OIBP) permet de retenir un plus large spectre de PFAS, dont certains dits "à chaîne courte", à l'aide de fibres polymères, avec des pores inférieurs à un nanomètre. C'est notamment le cas du TFA, omniprésent dans l’eau. Les membranes d'osmose inverse constituent "une barrière absolue", avec des pores "de quelques nanomètres", à travers laquelle, "il n'y a rien qui passe", assure Stanislas Pouradier-Duteil, président de la commission scientifique et technique de la FP2E (Fédération professionnelle des entreprises de l'eau).
Des procédés coûteux et énergivores
Difficile d'évaluer le coût de la décontamination des PFAS de l'eau et des sols, mais les premières estimations avancent jusqu'à 100 milliards d'euros par an pour l'Europe, selon des travaux universitaires commandités pour une enquête de plusieurs médias coordonnée par Le Monde.
Les techniques les plus efficaces à l'heure actuelle sont très coûteuses : le syndicat des Eaux d'Ile-de-France (Sedif), qui gère l'eau potable de 4 millions de Franciliens, a fait le choix d'équiper ses trois principales usines de système de filtration type OIBP, un chantier évalué à plus d'un milliard d'euros hors taxes.
De plus, ces techniques sont très énergivores : les usines du Sedif, lorsqu'elles seront équipées, devraient voir leur consommation énergétique grimper d'environ 45%. Compte tenu de la flambée potentielle des coûts du traitement de l'eau, les collectivités demandent l'application du principe "pollueur-payeur", comme la ville de Paris, qui a porté plainte contre X. En outre, ces techniques ne font que retenir les PFAS: il faut ensuite les éliminer, pour éviter les rejets dans le milieu en aval.
Et après, détruire ou stocker ?
Pour faire en sorte que ces composés chimiques ne reviennent pas polluer l'environnement, ils peuvent partir en décharge, comme d'autres déchets dangereux. Certaines régions des Etats-Unis disposent également de "puits d'injection", dans lesquels certains déchets dangereux sont enfouis à plusieurs centaines de mètres sous terre.
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Autre solution, l'incinération, qui permet de "détruire les chaînes" d'atomes des PFAS, une solution là encore extrêmement énergivore. Alors que des professionnels estiment une destruction possible autour de "1.000, voire 1.200 degrés", ces températures "ne suffisent pas à dégrader complètement les PFAS", selon Khalil Hanna. Il évoque une température recommandée de 1.400 à 1.500 degrés pour éliminer complètement les PFAS, faute de quoi "une dispersion atmosphérique" en sortie d'usine est possible.
D'autres pistes à l'étude
Pour ce qui est des PFAS "retenus" par la filtration membranaire, de nouvelles techniques sont à l'étude, comme l'électro-oxydation : une fois ces PFAS concentrés dans un petit volume d'eau, à l'aide d'électrodes, "en gros, on va faire passer un courant et venir du coup casser les liaisons des PFAS, on va dégrader la molécule", explique Julie Mendret, maître de conférence à l'université de Montpellier.
Méthode "enzymatique" développée par les biochimistes, "sonochimie" créant des bulles à très haute température, "plasma froid", ou approche dite "radiolytique" via un rayonnement ionisant, de nombreuses autres techniques sont en cours de développement. Mais ces techniques demeurent "au stade de la recherche", souligne Khalil Hanna. La "meilleure solution", pour contrer cette menace envers la santé et l'environnement, "c'est quand même la prévention et de couper le robinet" des PFAS, conclut Stanislas Pouradier-Duteil.
Avec AFP.