Abattage, restrictions de mouvements et vaccination, la propagation de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) fait beaucoup parler. Pendant que les éleveurs expriment leur colère en bloquant les axes routiers, le gouvernement défend sa méthode pour lutter contre la propagation. Ce mardi 16 décembre, Sebastien Lecornu demande une "accélération de la stratégie vaccinale" lors d’une réunion avec plusieurs ministres et préfets du Sud-Ouest. Face à la complexité et au caractère inédit de la situation, la rédaction fait le point sur les enjeux de cette crise.
La dermatose nodulaire contagieuse, c’est quoi ?
Longtemps bloquée aux frontières africaines, la DNC est une maladie virale touchant les bovins européens depuis 2014. Une épizootie avait été déclarée dans les Balkans en 2016 avant d’être enrayée en quelques mois. Elle fait donc son retour depuis juin 2025, causant de vives tensions entre agriculteurs, politiques et scientifiques. Elle touche, notamment, plusieurs départements français et se déploie sur le territoire. Les exploitations en Savoie et Haute-Savoie ont été les premières frappées, puis celles du Jura, du Rhône, de l’Ain et du Doubs.
La DNC est hautement contagieuse et dangereuse pour les bovins. Elle n’est pas transmissible à l’humain, mais représente un réel risque pour les exploitations agricoles. Le Groupement de Défense Sanitaire (GDS) a partagé une fiche pour accompagner les éleveurs à détecter et traiter la maladie. Plusieurs symptômes peuvent permettre de détecter la DNC : fièvre, nodules sur la peau, anorexie… "Ils souffrent énormément", a rappelé Kristel Gache, directrice du réseau des groupements de défense sanitaire (GDS France) au quotidien Le Monde.
Quel mode de transmission et quel traitement ?
La maladie se transmet principalement par l’intermédiaire d’arthropodes piqueurs. Le stomoxe, ou mouche charbonneuse, est le principal vecteur de la maladie. Les tiques et taons sont aussi soupçonnés de jouer un rôle dans la transmission. Ces petits insectes sont de véritables seringues contaminées pouvant préserver le virus plusieurs heures dans leur voie buccale, avant de le transmettre à un autre bovin.
À ce jour, aucun traitement antiviral n’existe contre la DNC. Cependant, des vaccins permettent d’arrêter la transmission. Parmi eux, la France opte pour celui du laboratoire sud-africain d’Onderstepoort Biological Products (OBP). Ce sérum a démontré une efficacité supérieure à 85 % lors de l’épidémie des Balkans de 2016-2017. La couverture vaccinale est très haute en Savoie et Haute-Savoie, mais une campagne massive est lancée dans le Sud-Ouest, théâtre de l’apparition de nouveaux cas depuis quelques jours.
Pourquoi abattre tous les animaux d’un foyer affecté ?
Le gouvernement applique une politique d'éradication du virus, car la DNC est classée comme maladie de "catégorie A" en droit européen. Cela signifie qu’elle n’est "habituellement pas présente dans l’Union" et qu’il est demandé de prendre "des mesures d’éradication immédiates". La vaccination massive, ainsi que l’abattage de tous les animaux d’un foyer contaminé sont alors les leviers d’action privilégiés par l’État français.
Dans un communiqué, le gouvernement insiste sur le danger que représente la DNC pour le secteur agricole : "Cette maladie virale fortement préjudiciable à la santé des bovins (allant potentiellement jusqu’au décès) conduit à des pertes de production importantes du cheptel infecté." Des compensations financières sont versées aux éleveurs pour l’abattage de leurs bovins, mais une partie des syndicats agricoles s’y oppose.
Pourquoi les syndicats agricoles s’insurgent face à cette situation ?
Cette crise sanitaire se métamorphose en crise sociale et politique au sein du monde agricole. L’abattage, car il s’agit du principal problème pour les éleveurs, conduit des syndicats comme la Confédération paysanne à réclamer le déclassement de la DNC dans la catégorisation européenne des maladies. En catégorie B, les États membres ne pourraient abattre que les "animaux reconnus en tant que cas confirmés et, si nécessaire, les cas suspects."
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Plusieurs axes du Sud-Ouest, dont l’autoroute Toulouse-Bayonne, ont été bloqués vendredi dernier. La colère des agriculteurs se fait entendre, mais le gouvernement défend sa stratégie de lutte contre le virus. "C’est une maladie des politiques agricoles", analyse Stéphane Galais, co-porte-parole de la Confédération paysanne pour le média Basta. "Celles et ceux qui ont mis une vie à constituer un troupeau, dans le souci de faire une alimentation de qualité, doivent sacrifier leurs vaches et leur travail sur l’autel de l’export."
Quel est l’avis des scientifiques ?
Depuis le début de l’épizootie, des frictions apparaissent entre agriculteurs et vétérinaires. Ces derniers sont en première ligne, vaccinant de nombreux bovins pour endiguer la propagation. Dans un communiqué publié fin août par le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, la profession "soutient sans équivoque et sans réserve la stratégie de lutte déployée par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire construite sur les bases acquises de la science".
Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) a placé la DNC sur sa liste des maladies les plus dévastatrices et virulentes. Selon l’institution, un abattage sélectif ou une mise en quarantaine ne suffiraient pas à arrêter la maladie. Pour cause, l’incubation sans symptôme de près d’un mois et un vaccin qui prend 45 jours à prendre effet. De même pour l’Anses qui arrive aux mêmes conclusions et qui conseille de mettre en place un contrôle des insectes vecteurs et un suivi vétérinaire régulier.