Paludisme, dengue, chikungunya… Des maladies qui, depuis l’Europe, semblent lointaines. Et pour cause : ces maladies infectieuses dites vectorielles, c’est-à-dire transmises à l’Homme par un vecteur (moustiques, tiques, etc.), n’ont longtemps été présentes que sous des latitudes tropicales. Selon l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, ces maladies entraînent chaque année plus de 700 000 décès, dont plus de 600 000 sont dus au seul paludisme. Et depuis quelques années, le nombre de cas de ces maladies tropicales dans les pays du Nord augmente. Le principal coupable : le changement climatique.
L’augmentation de la fréquence d’hivers plus doux et d’étés plus chauds permet à de nombreuses espèces tropicales de remonter vers le Nord. C’est notamment le cas du moustique tigre, dont la piqûre peut transmettre des virus comme ceux du Zika, du chikungunya et de la dengue. Arrivé en France en 2004, cet insecte était présent, au 1er janvier 2024, dans 78 départements métropolitains selon le ministère de la Santé.
Près de 20 % des cas de dengue "attribuables au changement climatique"
Et la progression du moustique tigre continue vers le Nord, comme en Belgique. "Dans deux lieux en particulier on a trouvé de petites populations qui avaient survécu à l’hiver 2022-2023, et ils étaient encore là fin de l’année dernière. Ils doivent encore y être aujourd’hui. Nous pensons qu’il est en train de s’installer", explique à la RTBF Isra Deblauwe, entomologiste à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers.
Selon la journaliste scientifique Claire Ainsworth, dans un article publié dans la revue Nature, "en 2022, 71 cas de dengue acquise localement ont été recensés en Europe continentale, soit l'équivalent du nombre total de cas enregistrés entre 2010 et 2021". Et d’après une étude menée par des chercheurs de l’université de Stanford, aux Etats-Unis, en moyenne, près de 20 % des cas de dengue dans le monde "sont attribuables au réchauffement climatique".
Un risque de "débordement viral" depuis l’Arctique
D’autres virus, comme celui du Nil occidental (VNO), remontent aussi vers l’Europe. Une étude, publiée dans la revue Nature Communications, a démontré que l’implantation de ce virus transmis par les moustiques communs était due, au moins en partie, au changement climatique. "Nos résultats démontrent une augmentation notable de la zone écologiquement adaptée à la circulation du VNO au cours de la période 1901-2019, alors que cette zone reste largement inchangée dans un contrefactuel sans changement climatique", résument les chercheurs.
Plus inquiétant encore : selon une étude menée par des chercheurs canadiens, le réchauffement climatique pourrait provoquer un "débordement viral" depuis l’Arctique. Autrement dit, la fonte des glaces pourrait libérer des virus préservés dans la glace, parfois depuis des dizaines de milliers d’années. La possibilité d’un débordement est "complètement imprévisible, et ses conséquences aussi, allant d’un caractère bénin jusqu’à une vraie pandémie" a indiqué à l’AFP Audrée Lemieux, première autrice de l’étude. Même si, selon elle, "la probabilité d’évènements dramatiques reste très faible".
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Pour faire face à ces nouvelles menaces, les chercheurs s’organisent. L’Institut Pasteur prévoit notamment la création d’un Centre des maladies à transmission vectorielle qui "regroupera toutes ses équipes expertes des microbes, de leurs hôtes et des vecteurs" et qui "participera à fédérer les équipes afin d’anticiper les futures épidémies et à réduire et contrôler les risques".