Depuis une trentaine d'années, les oiseaux migrateurs ont tendance à réduire leur période d'hivernage de 5 à 12 jours.
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Biodiversité

Changement climatique : quel impact sur les oiseaux migrateurs ?

Chaque année, de nombreuses espèces d’oiseaux entament un long périple vers le Sud pour y passer l’hiver. Mais avec le changement climatique, les hivers deviennent plus doux et durent moins longtemps. Ce qui n’est pas sans conséquence pour les espèces migratrices qui peinent à s’adapter. Décryptage.

C’est un spectacle qui revient chaque année. À l’automne, des centaines de millions d’oiseaux fendent les airs vers les régions du Sud, où ils passeront l’hiver. Un voyage de plusieurs milliers de kilomètres qu’ils effectuent ensuite en sens inverse, une fois le printemps venu. Mais depuis une trentaine d’années, certaines espèces ont tendance à raccourcir leur séjour hivernal et à revenir plus tôt. Selon la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), "cette précocité atteint 5 à 12 jours selon les espèces". En cause : le changement climatique.

"Avec la hausse des températures, certains habitats, de type méditerranéen par exemple, vont remonter vers le Nord, ce qui va modifier l’habitat d’espèces adaptées à des habitats plus humides et plus verdoyants", explique à ID Jérémy Dupuy, responsable de projet "Oiseaux de France" à la LPO. Des espèces qui vont avoir tendance à remonter, elles aussi, vers le Nord.

Des distances de migration plus courtes

C’est notamment le cas du guêpier d’Europe qui, historiquement, se reproduisait sur le littoral méditerranéen français et qui aujourd’hui est présent dans presque tous les départements. "Il y a même eu des cas de reproduction au Royaume-Uni, et l’espèce continue de progresser en Europe centrale, voire en Europe du Nord" ajoute-t-il. Un phénomène qui s’observe aussi chez d’autres espèces vivant dans des milieux plus froids et plus humides et qui régressent encore plus vers le Nord.

Le changement climatique a également tendance à réduire les distances de migration. Les hivers étant plus doux, certaines espèces n’ont plus nécessairement besoin de parcourir de longues distances pour trouver des conditions clémentes. "L’exemple type c’est la cigogne blanche", indique Jérémy Dupuy. "C’est une espèce qui à la base est migratrice stricte, c’est-à-dire qu’elle passe l’hiver au sud du Sahara. Mais depuis les années 1980-1990, on observe de plus en plus d’oiseaux en Afrique du Nord, en Espagne et même dans le sud de la France. Aujourd’hui ce sont plus de 2000 oiseaux qui passent l’hiver chez nous, certains sont même devenus complètement sédentaires".

Problème : en cas de vague de froid importante, les oiseaux migrateurs restés dans les régions septentrionales ont peu de chance de survivre à l’hiver. Et, comme le souligne la LPO, si, au printemps, l’arrivée des oiseaux ne coïncide pas "avec le pic d’émergence des insectes, la mortalité dans les nichées peut être drastique".

"Le changement climatique est beaucoup trop rapide pour que les espèces puissent s’adapter"

Face au changement climatique, les espèces migratrices n’ont que deux possibilités : l’adaptation ou l’extinction. Mais elles sont confrontées à une difficulté majeure. "L’évolution des comportements de migration est le fruit de centaines de milliers d’années d’évolution, or le changement climatique est beaucoup trop rapide pour que les espèces puissent s’adapter", déplore Jérémy Dupuy. "Une étude sur les gobemouches noirs, de petits passereaux forestiers, le montre. Les chercheurs ont constaté que, pour s’adapter aux printemps plus précoces, le gobemouche avait réussi à avancer sa date de retour. Mais cette adaptation est beaucoup moins importante que le changement climatique. L’oiseau essaie de s’adapter, mais n’arrive pas à le faire suffisamment vite pour suivre le rythme du changement", résume-t-il.

Pour d’autres espèces, la situation est encore plus critique. C’est notamment le cas de celles qui vivent en milieu alpin, autrement dit en montagne, au-delà de la limite des arbres. Un milieu occupé par des espèces très spécialisées, comme le lagopède alpin. "Avec le changement climatique, la forêt a tendance à remonter, donc cette espèce va probablement remonter elle aussi. Mais au bout d’un moment elle ne pourra pas aller plus haut".

S’il est difficile d’agir au quotidien pour préserver les oiseaux de l’impact du changement climatique sur leur migration, la LPO ne reste pas pour autant les bras croisés. Elle mène un travail d’anticipation. "Avec la montée du niveau de la mer, la plupart des zones humides, qui sont des espaces protégés qui servent de refuge aux oiseaux, vont finir sous l’eau. Mais grâce aux modèles de prévision de la montée des eaux, on peut anticiper les futurs espaces protégés", explique Jérémy Dupuy. "On essaye d’ores et déjà d’identifier les espaces qu’on pourra sanctuariser pour l’accueil des populations d’oiseaux".