L'association Au Maquis, situé à Lauris, propose une sécurité sociale de l'alimentation.
© Sécurité sociale de l'Alimentation
Santé

Cette association teste une sécurité sociale de l'alimentation

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Eric est animateur au sein de l'association Au Maquis. Cette structure propose de se réapproprier les enjeux liés à l'alimentation grâce à une sécurité sociale de l'alimentation. Une initiative née d'une réflexion commune, avec les habitants du village, pour créer ce qu'ils appellent une démocratie alimentaire. Entretien. 

Pouvez-vous nous en dire plus sur l'association Au Maquis ?

Nous sommes basés à Lauris (Vaucluse). Nous travaillons principalement sur les enjeux de lien social dans nos mondes ruraux, et de lien social entre le monde urbain et le monde rural. Depuis quinze ans, tout cela nous a amenés à nous interroger sur une question d'alimentation sur notre territoire sachant qu’on a beau vivre en Provence, quand on rentre dans les supermarchés autour de chez nous, 80 % voire 90 % de l'alimentation vient de loin, voire de très loin même pour des produits qui sont des produits du territoire.

On peut voir des raisins du Pérou en pleine période de vendanges en Provence, ce qui est quand même un peu absurde."

Face à ce constat, nous nous sommes posés plusieurs questions : "comment reterritorialiser notre alimentation ?", "Comment réfléchir à ces enjeux-là de manière à pouvoir construire des territoires adaptés à nos alimentations ?". Et surtout, "comment créer des territoires qui nous permettent de créer des emplois (moulins à farine, usine de ravioli, emplois paysans) avec de meilleures qualités salariales que ce qui se passe aujourd'hui ?". Nous avons abordé cette question alimentaire comme une question systémique. 

Quels projets développez-vous ?

Dans le cadre du programme alimentaire territorialisé, nous travaillons avec le Parc naturel régional du Lubéron et la Mairie de Lauris pour ouvrir une cité vivante de l'alimentation qui serait un lieu de référence pour les enjeux alimentaires sur le territoire. Pendant deux ans, nous avons mené un travail de concertation auprès des habitants et habitantes, des élus ou des professionnels de la filière alimentation pour identifier quels seraient les besoins sur ces enjeux-là.

Nous avons aujourd'hui identifier cinq grands besoins avec notamment la question du foncier alimentaire et des intermédiaires logistiques. Nous allons aussi travailler sur les enjeux éducatifs : "quels apprentissages pour nous, nos adultes et nos enfants sur  ces questions alimentaires ?". Nous allons également étudier les enjeux de recherche-action sur les liens entre alimentation et santé. Le dernier grand axe repose sur comment penser-agir pour une justice sociale et alimentaire. 

Vous parlez de justice sociale et alimentaire, on peut aussi appeler cela la sécurité sociale alimentaire ? 

C’est le concept. La proposition de sécurité sociale de l'alimentation fait partie de cela. Au Maquis, nous avons aussi un espace de production alimentaire de deux hectares et demi comme une ferme qui est un lieu où l'on produit des légumes et des fruits de qualité avec des personnes en situation de précarité ou des personnes en situation de migration. C'est avec eux que l'on décide des plans de culture et c'est avec eux que l'on effectue les distributions.

Pour aller plus loin, nous nous sommes saisis de la proposition de sécurité sociale de l'alimentation."

Depuis trois ans, nous construisons une réponse avec les habitants et habitantes du village de Cadenet. Nous avons mis en place une petite caisse commune alimentaire qui n'est pas une caisse de sécurité sociale de l'alimentation parce que nous n'avons malheureusement pas de loi qui nous permettrait de prélever une cotisation de manière à pouvoir distribuer une allocation alimentaire de manière universelle. 

Concrètement, pour les habitants de Cadenet qui peuvent bénéficier de cette caisse, comment ça se passe ? 

Nous avons invité des experts, des chercheurs sur ces questions d'alimentation et de sécurité sociale ou même de démocratie participative, de manière à construire ensemble. C'est le cadre de conventionnement qu'on imaginerait pour notre alimentation. Au bout de un an et demi, nous avons construit ce cadre de conventionnement qui aujourd'hui va nous permettre de distribuer une allocation élémentaire de 150€ par mois à 35 habitants du village et cette allocation pourra être dépensée dans trois lieux de vente et en fonction des produits. Ces produits seront pris en charge à 30 % à 70 % ou à 100 % en fonction de leur correspondance avec le cadre de conventionnement. 

L'idée, c'est vraiment cette question qu'on a appelé la démocratie alimentaire : comment est-ce qu'on construit ensemble des réponses qui nous conviennent en dehors de toute question lobbyiste ou économique ?"

Est-ce que cela ressemble au modèle de la sécurité sociale classique ? 

Des caisses communes de l'alimentation comme celle-ci, il y en a plusieurs en France, notamment en Gironde, à Montpellier, à Tours, à Toulouse. De notre côté, nous testons plusieurs choses de manière collective. Au-delà de l'allocation alimentaire, ce qui est important c'est la démocratie alimentaire : comment construire ensemble des réponses qui nous conviennent en dehors de toute question lobbyiste ou économique ? Quel avenir alimentaire désirable voulons-nous réellement pour notre territoire ?

Comment est financée cette caisse ? 

Le travail de démocratie alimentaire, mené depuis deux ans, s'appuie sur les financements de la DRETS, la Fondation Pacap! et la Fondation Un monde par tous. Etant donné que l'État français ne peut pas verser des aides directes, nous avons dû faire appel à la Fondation de France qui nous a donné cette subvention et qui va permettre de distribuer 150€ par mois pendant un an à 35 habitants de Cadenet. 

Comment ont-ils été sélectionnés ? Sur critères sociaux ? 

Nous n'avons pas cherché à faire une politique pour les pauvres parce que nous nous appuyons sur la sécurité sociale qui est universelle.

Nous avons souhaité faire émerger un nouveau paradigme alimentaire dans lequel on participe toutes et tous."

Nous avons organisé des rencontres publiques auxquelles les habitants et habitantes de Cadenet ont été invités. A l'issue de ces rencontres et de ces réunions publiques, les volontaires ont pu mettre leur nom dans une urne. Nous avons ensuite tiré au sort 35 personnes afin que la diversité du village soit représentée. 

Quelle est la prochaine étape ?

Nous aimerions construire ce qu'on a appelé un "droit à l'expérimentation" pour des territoires 100 % alimentation choisie, comme il y a des droits à l'expérimentation qui ont été créé pour les territoires zéro chômeur de longue durée. Nous aimerions pouvoir avoir un droit à l'expérimentation pour des territoires 100% alimentation choisie qui permettraient effectivement de faire bénéficier de manière universelle, que ce soit un village, un quartier, etc. Notre idéal à nous, ce serait que cet argent soit issu de nos cotisations sociales, et ainsi drainer l'argent de la sécurité sociale de la santé pour des expérimentations sur l'alimentation. A terme, l'objectif est de pouvoir bénéficier d'une meilleure alimentation.

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