Soutenues par la révolution budgétaire allemande, la baisse des taux de la BCE et la quête de diversification des investisseurs mondiaux hors des Etats-Unis, les actions européennes affichent depuis le début de l’année une performance remarquable, à la fois en valeur absolue et relative : +16,1 % pour le MSCI EMU (dividendes inclus), contre +7,6 % pour le MSCI USA (au 10 juillet 2025). C’est d’autant plus notable que les perspectives de croissance des résultats des entreprises pour 2025 se sont au contraire dégradées, en ligne avec les révisions à la baisse pour la croissance mondiale de l’année.
Dans ce contexte, les valorisations — en particulier le PER (ratio cours/bénéfices) — se sont sensiblement accrues. De quoi nourrir chez certains observateurs la crainte d’un excès d’optimisme, voire d’une « europhorie » boursière. A plus de 15 fois les bénéfices attendus pour les 12 prochains mois, le PER de l’indice phare Euro Stoxx 50 (graphique 1) évolue en effet à des niveaux rarement atteints depuis 2006. Il n’a été plus élevé que deux fois : brièvement début 2015, lors de l’euphorie provoquée par la conversion historique de la BCE au « QE » (achat massif de dettes publiques et privées), puis durant la crise de Covid-19, quand les bénéfices s’étaient temporairement écroulés sous l’effet des confinements.
On peut toutefois objecter que les comparaisons historiques ont leurs limites, du fait des évolutions sectorielles de l’indice et des régimes changeants de rentabilité des grandes capitalisations européennes. Par exemple, le retour sur fonds propres des sociétés de l’Euro Stoxx 50 atteint aujourd’hui 13 %, contre seulement 10 % en 2015, ce qui relativise le niveau actuel de valorisation.
De plus, en élargissant l’analyse à un univers plus large de valeurs et à une perspective plus longue, et en se concentrant sur les valorisations médianes – moins sensibles aux déformations et à la concentration des indices boursiers – le diagnostic change sensiblement (graphique 2). Le PER médian des 220 valeurs du MSCI Zone Euro est aujourd’hui aligné sur sa moyenne historique de 30 ans, à 15,2, bien en deçà des 18,4 atteints début 2015. Quant à l’écart transatlantique, il s’est fortement creusé à partir de la guerre en Ukraine et reste proche des records, avec un PER médian cinq points plus élevés aux Etats-Unis qu’en zone euro. Cet écart n’est plus uniquement dû aux « 7 magnifiques », puisque la médiane gomme leur poids spécifique : c’est l’ensemble du marché américain qui reste cher. Si euphorie il y a, elle est donc bien davantage américaine qu’européenne.
Au-delà des valorisations boursières, qui nous semblent normales en Europe, c’est aussi le contraste entre l’optimisme financier et la morosité du sentiment économique en zone euro qui interpelle. D’un côté, les bourses montent fortement, les spreads de crédit sont très bas, les banques affichent une rentabilité retrouvée, l’euro monte et les investisseurs particuliers prennent davantage de risques, comme en témoigne le boom des ETF. S’ajoutent à cela des initiatives – pour l’instant essentiellement verbales – en faveur d’un véritable marché financier européen intégré. De l’autre, l’industrie européenne reste en quasi-récession, les perspectives d’emploi se dégradent parfois assez nettement, comme en France et en Allemagne, et les consommateurs restent traumatisés par la forte hausse des prix des années 2021-2023.
Nous pensons que cette contradiction témoigne surtout d’un décalage temporel, les indicateurs financiers anticipant souvent, avec des délais variables, les évolutions économiques (graphique 3). Le regain d’optimisme des investisseurs, la reprise progressive du crédit bancaire et le bas niveau des spreads obligataires sont en effet de bon augure pour l’économie européenne, d’autant que les effets du plan budgétaire allemand devraient commencer à se faire sentir à partir de l’automne. Et nous demeurons convaincus que la BCE n’hésitera pas à accentuer son soutien si nécessaire.
Sauf choc exogène majeur, nous pensons donc que le point haut du cycle financier européen est encore à venir, et que les perspectives économiques de la zone s’amélioreront une fois l’impact des droits de douane américains absorbé. Dans cette optique, nous maintenons une surpondération des valeurs européennes les plus sensibles au cycle économique et financier de la zone euro dans nos fonds flexibles.
Nos taux d’exposition sont les suivants :
Contenu rédigé par Dorval AM.