Résumer la croissance des bénéfices par action (BPA) d’un univers de valeurs est un exercice complexe. Même à l’échelle d’une seule entreprise, cette mesure apparemment simple demande des ajustements liés aux acquisitions, aux changements des périmètres d’activité, aux événements exceptionnels, etc. Ces ajustements sont souvent difficiles à standardiser, faute de consensus sur la manière de mesurer la « vraie » croissance du BPA. Il n'existe pas de consensus sur la meilleure façon de refléter la « vraie » croissance du BPA, ce qui complique toute tentative de comparaison. À l’échelle d’un indice boursier, les difficultés s’amplifient : faut-il privilégier une moyenne pondérée selon la capitalisation boursière, une moyenne arithmétique, ou encore une médiane ? La méthode choisie influence fortement le résultat, d’autant plus si la dispersion des croissances individuelles est importante.
A cet égard, la comparaison entre l’Europe et les Etats-Unis est particulièrement délicate cette année. Les profits agrégés des entreprises du Stoxx 600 sont attendus en baisse de 1,7 % en 2025 par rapport à 2024, tandis que ceux du S&P 500 devraient croître de 7,3 %. Pourtant, si l’on utilise des indices équipondérés, la croissance tourne autour de +4 % dans les deux zones. Et si l’on examine les médianes, c’est même l’Europe qui prend l’avantage (voir graphique 1).
Ces écarts entre mesures sont frappants. Chacune a sa légitimité, mais leur interprétation reste délicate. Une chose est néanmoins claire : la forte croissance des bénéfices des dix premières capitalisations américaines – qui représentent plus d’un tiers du S&P 500 – tire mécaniquement vers le haut la performance globale de l’indice américain.
En réalité, la croissance des BPA d’une entreprise « moyenne » ou « médiane » devrait être comparable cette année en Europe et aux États-Unis. Mais les révisions des analystes, elles, montrent une divergence récente notable : aux États-Unis, elles restent globalement haussières, probablement soutenues par la résilience économique ; en Europe, elles sont devenues nettement baissières (voir graphique 2).
Dans un univers aussi mondialisé que celui des grandes entreprises européennes cotées – bien plus exposées à l’international que leurs homologues américaines, chinoises ou japonaises – le rôle de la baisse du dollar face à l’euro est évidemment à considérer. Mais cet impact est complexe : il dépend des politiques de couverture, de la localisation des coûts, du poids des matières premières (dont le pouvoir d’achat a augmenté en euros) et, bien sûr, de la part des ventes libellées en dollars.
Les analystes de Morgan Stanley estiment que 47 % des 550 principales entreprises européennes profitent de l’appréciation de l’euro, contre 39 % qui en souffrent ; le reste est neutre. Toutefois, une agrégation pondérée par les capitalisations boursières inverse cette tendance : les plus grandes entreprises, souvent multinationales (luxe, santé, énergie), sont en effet les plus pénalisées par la baisse du dollar. Ce sont d’ailleurs celles qui ont subi les plus fortes révisions à la baisse récemment, tandis que les BPA estimés des entreprises plus domestiques sont restés stables (voir graphique 3). On peut donc raisonnablement supposer que la baisse du dollar joue un rôle, bien que d’autres facteurs sectoriels ou conjoncturels puissent également expliquer ces écarts.
En conclusion, les données disponibles à ce jour ne permettent pas d’affirmer que l’entreprise européenne moyenne souffre d’un problème de croissance des profits cette année. De même, la hausse de l’euro face au dollar ne semble pas constituer un handicap majeur pour l’ensemble du marché. C’est probablement davantage la rapidité de l’ajustement des taux de change, plus que leur niveau absolu, qui inquiète les investisseurs.
Dans nos fonds flexibles européens, nous continuons à surpondérer les valeurs les plus domestiques : d’abord les financières, puis les entreprises qui bénéficient des politiques de relance en Allemagne et de la baisse des taux décidée par la BCE.
Contenu rédigé par Dorval AM.