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INFO PARTENAIRE

L’Italie risque-t-elle de décevoir ?

La fin du ‘superbonus’ d’aide aux travaux de rénovation, la guerre commerciale et l’absence de politique économique porteuse font craindre des déceptions pour une économie italienne en mal de productivité. Mais les aides européennes et la dynamique de rattrapage après la crise de l’euro des années 2010 devraient permettre à l’Italie de résister.

Après avoir baissé de plus de 11% pendant la double crise financière puis de l’euro, le PIB par habitant de l’Italie devrait enfin franchir son niveau de 2007. Sur la même période, le PIB par habitant du reste de la zone euro aura grimpé de 12% (graphique 1). L’Italie souffre donc d’un retard substantiel de croissance.

L’écart entre l’Italie et le reste de la zone euro commence à se réduire depuis 2020, essentiellement grâce à un programme exceptionnel d’aides aux travaux de rénovation – le ‘superbonus’ – qui aura considérablement soutenu le secteur de la construction. La suppression progressive, en 2024, de cette mesure très couteuse pour les finances publiques a fait craindre le pire aux conjoncturistes, mais d’autres dynamiques permettent à l’économie italienne de s’en sortir mieux que prévu.

L’Italie bénéficie en effet à plein du plan d’investissement européen NextGenEU décidé pendant la crise du Covid, avec 122 milliards d’euros d’aides déboursés à l’été 2025, soit 63% de l’enveloppe de 194 milliards prévue pour le pays. L’investissement non résidentiel a donc pris le relais du résidentiel, permettant à l’investissement total de repartir à la hausse (graphique 2). Ce soutien devrait se poursuivre, le plan européen étant prévu pour durer jusqu’en 2028.

Très pénalisée pendant la crise de l’euro, l’économie italienne est par ailleurs soutenue par un processus de normalisation des secteurs les plus sensibles aux conditions de financement, dont celui de l’immobilier. Les volumes des transactions se sont nettement redressés, et les prix ont recommencé à monter, même s’ils restent encore très bas en termes réels, c’est-à-dire après prise en compte de l’inflation (graphique 3). La baisse des taux d’intérêt initiée par la BCE depuis 2004, et celle des taux à long terme, passés de près de 5% fin 2023 à 3,4% aujourd’hui pour les obligations d’Etat, entretiennent cette dynamique. Le redressement spectaculaire de la situation des banques italiennes, après plus d’une décennie de crise, complète ce tableau favorable au cycle du crédit.

Enfin, comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, l’Italie bénéficie des ajustements que la crise de l’euro a imposés au pays au cours des années 2010, dont la réforme des retraites (2011), celle du marché du travail (2014-2015) et celle du droit des faillites (2019-2022). Durant cette phase, la politique budgétaire a de plus été très restrictive, ce qui permet aujourd’hui à l’Italie de ne pas avoir à resserrer excessivement sa politique pour combler le trou laissé par la crise du Covid.

La dette publique reste élevée (135% du PIB), mais le déficit public est maitrisé (3% du PIB, et même un léger excédent hors charges d’intérêts). Les périodes de crise ont aussi comprimé les salaires (dévaluation interne), ce qui se traduit par une compétitivité-prix restaurée. Les soldes extérieurs sont d’ailleurs positifs, avec un excédent courant de 1,5% du PIB, et un fort excédent de la balance industrielle de 6% du PIB. Au total, à l’exception notable de la dette publique, les données bilancielles de l’Italie sont donc favorables (graphique 4), ce qui permet aux agences de notation de relever leur rating – DBRS a même relevé sa note à « A- » il y a quelques semaines. L’Italie n’a donc aucune raison de se lancer dans une politique d’ajustement néfaste à la croissance économique.

Avec sa démographie en berne et sa faible productivité, il est légitime de s’interroger sur la trajectoire italienne. C‘est d’autant plus important que la baisse spectaculaire du différentiel de taux à long terme entre l’Italie et l’Allemagne fait partie des évolutions très positives de la zone euro depuis plusieurs trimestres (graphique 5). Un retournement de situation sur ce front, alors qu’un autre poids lourd de la zone euro, la France, inquiète les investisseurs, ne serait pas de bon augure. Le consensus de prévisions table aujourd’hui sur une croissance de l’ordre de +0,75% en 2026, après +0,5% en 2025. Sur cette base modeste, le risque de déception nous semble plutôt faible. De bonnes surprises sont en revanche envisageables si l’économie italienne se montre suffisamment réactive à la nette amélioration des conditions financières domestiques.

Contenu rédigé par Dorval AM.