Faisant fi – pour l’instant – de la nervosité des observateurs sur les valorisations boursières mondiales et sur la saisonnalité – le mois d’octobre a mauvaise réputation – les indices des actions européennes ont atteint de nouveaux records au début du mois d’octobre (graphique 1).
Tout le monde ou presque s’y emploie quotidiennement, mais expliquer ce qui fait monter ou baisser les marchés reste une gageure. Bloomberg dispose à cet égard d’un modèle intéressant qui tente de quantifier la contribution de cinq grands facteurs impactant l’Euro Stoxx : la croissance économique européenne et américaine, les politiques monétaires de ces deux mêmes régions, et enfin un facteur d’appétit global pour le risque. Sur la période très récente, les politiques monétaires et la macroéconomie européenne ressortent comme moteurs principaux (graphique 2).
Attention toutefois : le modèle de Bloomberg repose non pas sur la base d’évènements comme les statistiques économiques ou les décisions de la BCE, mais sur des corrélations croisées entre cinq variables financières : le S&P 500, l’Euro Stoxx, les taux longs allemands, le taux de change euro-dollar et l’écart de taux long entre l’Europe et les Etats-Unis. L’interprétation reste donc délicate. L’influence positive du facteur « politique monétaire américaine » cadre bien avec les baisses des taux de la Fed depuis le mois de septembre. Au facteur de « politique monétaire européenne », lui aussi positif selon le modèle, on peut associer l’évolution du discours de Mme Lagarde, qui s’est montrée plus souple lors de sa toute dernière intervention.
Il est en revanche moins évident d’expliquer la contribution favorable du cycle européen au vu des dernières statistiques économiques peu inspirantes en zone euro. On touche ici aux limites de ce type de modèle, qui tend à interpréter les mouvements des marchés financiers comme si les indices actions reflétaient surtout les fondamentaux locaux. La mondialisation des entreprises aidant, d’autres interactions macro et microéconomiques difficiles à modéliser interviennent. C’est ce qui s’est passé ces derniers jours, comme l’indique la dynamique sectorielle des bourses européennes (graphique 3).
Après une année 2025 jusque-là difficile, le secteur technologique européen semble enfin stimulé par la diffusion du boom de l’IA à l’ensemble du secteur mondial des semi-conducteurs, donc au-delà du seul Nvidia. Quant au secteur de la santé, délaissé depuis plusieurs années par les investisseurs, il bénéficie d’une clarification de la politique américaine. L’accord du 30 septembre entre Pfizer et l’administration américaine – qui sera suivi par d’autres – diminue l’incertitude sur la baisse des prix et sur les droits de douane appliqués aux médicaments. Les valeurs automobiles, extrêmement décotées, bénéficient à la fois de meilleures ventes que prévues (Stellantis, grâce aux ventes US) et de la confirmation des droits de douane de 15% prévus par le « deal » entre l’UE et les Etats-Unis. Les valeurs de luxe se dont aussi un peu redressées, soutenues par une stabilisation du taux de change et par des espoirs de rebond des ventes grâce aux effets de richesse causés par la hausse des bourses américaines et chinoises.
Après une surperformance marquée des valeurs domestiques depuis l’annonce du plan budgétaire allemand, les valeurs plus internationales prennent donc leur revanche (graphique 4) grâce à l’IA, à la clarification en cours de la politique commerciale américaine, et à d’autres facteurs spécifiques.
Cette dynamique pourrait se poursuivre à court terme si la politique commerciale américaine se confirme plus stable et prévisible, au moins à l’égard de l’Europe. Ces rotations successives de leadership entre les champions mondiaux et les sociétés domestiques européennes témoignent d’un nouvel équilibre qui rend la bourse européenne plus attractive qu’elle ne l’était auparavant. Nos portefeuilles d’actions européennes sont aujourd’hui organisés sur cette base : un panier-cœur où les multinationales dominent, et des paniers thématiques plus domestiques, dont les financières et les valeurs exposées au scénario de reprise économique européenne.
Contenu rédigé par Dorval AM.