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Justice

Qu’est-ce qu’un écocide ?

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Depuis plus d'un an, la guerre en Ukraine fait des ravages sur l’environnement et la biodiversité. Face à ce désastre écologique, le gouvernement ukrainien compte traduire la Russie devant la justice pour crime d’écocide. Que recouvre cette notion ? Comment s’est-elle imposée dans le débat ? ID fait le point. 

Forêts rasées, terres agricoles minées, eaux contaminées, faune menacée...les atteintes environnementales sont nombreuses depuis le début du conflit en Ukraine. Selon le PNUE, l’autorité environnementale des Nations Unies, "le conflit a provoqué des dégâts dans de nombreuses régions du pays, avec des incidents dans des zones sensibles : des centrales et des installations nucléaires, des infrastructures énergétiques, notamment des pétroliers, des raffineries de pétrole, des plates-formes de forage, des installations gazières et des pipelines de distribution, des mines et des sites industriels et agro-industriels." Ces destructions ont engendré une augmentation de la pollution atmosphérique et une contamination "potentiellement grave" des eaux souterraines et de surface.  

Le PNUE note également que "des substances dangereuses ont été libérée par des explosions dans des installations de stockage agro-industrielles, notamment des usines d’engrais et d’acide nitrique." Alors que l’Ukraine concentre 35 % de la flore et de la faune européenne, ces attaques ne sont pas non plus sans conséquence sur la biodiversité. A titre d’exemple, plusieurs milliers de dauphins auraient péri dans la mer Noire à cause de la présence de sonars et des explosions sous-marines. 

Depuis le début de la guerre, le ministre de l’Ecologie ukrainien, Mykola Zlotchevsky, tient une liste des crimes environnementaux perpétrés par la Russie. Objectif : traduire son ennemi devant la justice pour écocide. Mais de quoi s’agit-il ? ID fait le point. 

Aux origines de l’écocide 

Le mot écocide vient de la racine grecque "oïkos" (la maison) et "cide" (tuer).

D’après le Larousse, il s’agit d’une "grave atteinte portée à l’environnement, entraînant des dommages majeurs à un ou plusieurs écosystèmes, et pouvant aboutir à leur destruction”.

Aujourd’hui entré dans le langage courant, ce néologisme a été utilisé pour la première fois en 1970 par le biologiste américain Arthur Galston. A cette époque, la guerre du Vietnam bat son plein. L'armée américaine déverse au-dessus des forêts vietnamiennes un puissant défoliant chimique : l’agent orange.  

Selon un rapport de l’Unesco, ces épandages ont détruit 400 000 hectares de terres agricoles, deux millions d’hectares de forêts et 50 000 hectares de mangrove, soit 20 % de l’ensemble des forêts sud-vietnamiennes. En 1972, lors du premier sommet de la Terre à Stockholm, le Premier ministre suédois Olof Palme reprend le terme d’écocide pour condamner les actions commises par les Américains.  

Il faudra attendre 1990 pour que le Vietnam introduise ce terme dans son code pénal. Il le définit comme "un crime contre l’humanité commis par destruction de l’environnement naturel, en temps de paix comme en temps de guerre". Depuis d’autres pays l’ont inscrit dans leur législation, à l’image de la Russie, l’Ukraine, l’Arménie ou encore la Géorgie. 

Qu’en est-il en France ? 

En France, la question fait débat. En 2019, les députés socialistes avaient déposé une proposition de loi pour reconnaître le crime d’écocide. Le texte le définissait comme "le fait, en exécution d’une action concertée tendant à la destruction totale ou partielle d’un écosystème, en temps de paix comme en temps de guerre, de porter atteinte de façon grave et durable à l’environnement et aux conditions d’existence d’une population". Celui-ci prévoyait également une peine de réclusion criminelle de 20 ans et 7 500 000 euros d’amendes. Le Sénat avait toutefois décidé de rejeter cette proposition de loi considérant la définition "trop floue". La secrétaire d’Etat à la Transition écologique de l’époque, Brune Poirson, avait par ailleurs estimé que "la France avait déjà un arsenal robuste". 

Un an plus tard, le 19 juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat avait remis le dossier sur la table en proposant l’insertion du crime d’écocide dans la Constitution.

Selon la proposition de la Convention, "constitue un crime d’écocide toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvait être ignorées”.

Là encore, le gouvernement avait botté en touche préférant la création d’un délit d’écocide. Créé par la loi Climat et résilience, promulguée le 22 août 2021, ce délit prévoit des peines allant jusqu’à dix ans de prison et 4,5 millions d’euros d’amende. Il s’appuie sur un renforcement des sanctions pénales applicables en cas de pollution des eaux, de l’air, des sols mais est caractérisé par "l’intentionnalité” de la pollution.

"Cette définition du délit d’écocide s’éloigne en tous points de vue de celle qui est portée au niveau international, et qui concerne un crime d'écocide. Cette utilisation inappropriée du terme écocide' a engendré une confusion autour de ce concept tout en laissant croire que le gouvernement avait répondu aux attentes de la Convention citoyenne pour le climat", explique Marine Yzquierdo, avocate au sein de Notre Affaire à tous. Actuellement en droit pénal de l’environnement, il n’existe aucun crime environnemental. 

Vers une reconnaissance dans le droit international ? 

Aujourd’hui, le crime d’écocide n’est pas reconnu dans le droit international. En juin 2021, un groupe d’experts indépendants, convoqué par la Fondation Stop Ecocide, s’est toutefois accordé sur une définition juridique international du crime d’écocide.

Il consiste en “des actes illégaux ou arbitraires commis en sachant la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables.”

Cette définition s’appliquerait en temps de guerre comme en temps de paix. "L’objectif est de pouvoir modifier le statut de Rome qui fonde la Cour pénal internationale (CPI) afin que l’écocide devienne un cinquième crime autonome”, précise Marine Yzquierdo. 

Et dans le droit européen ? 

Le 30 mars dernier, dans un rapport sur la révision d’une directive sur la criminalité environnementale, le Parlement européen a réclamé aux Etats membres la reconnaissance et la condamnation des atteintes les plus graves commis contre l’environnement, les écocides. Le préambule du rapport dispose que "lorsqu’un délit environnemental cause des dommages graves et étendus ou durables ou irréversibles à la qualité de l’air, à la qualité du sol ou à la qualité de l’eau, ou à la biodiversité, aux services et fonctions des écosystèmes, aux animaux ou aux plantes, il devrait être considéré comme un crime d’une gravité particulière, et sanctionné comme tel conformément aux systèmes juridiques des Etats membres, couvrant l’écocide, pour lequel les Nations unies travaillent actuellement à l’élaboration d’une définition internationale officielle." Une première victoire pour les associations.  

"Il s'agit d'une avancée importante car pour la première fois, le Parlement européen se positionne en faveur de la reconnaissance de l'écocide et requiert que ce crime d'une particulière gravité soit sanctionné comme tel conformément aux systèmes juridiques des Etats membres. Cette victoire d'étape marque l'aboutissement d'années de plaidoyer de la part de la société civile pour reconnaître le crime d'écocide", lance Marine Yzquierdo.

Dans un communiqué de presse, Notre Affaire à tous indique que "si la position du Parlement européen était retenue en trilogue, cela pourrait faciliter ensuite la reconnaissance de l’écocide au niveau international.” Les Etats de l’Union européenne représentent 40 % des Etats parties à la Cour pénale internationale. 

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