Philippe Zaouati, directeur général et fondateur de Mirova.
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Entretiens

Philippe Zaouati : "Sur le long terme, il y a un réel intérêt d’intégrer les impacts de la transition"

Philippe Zaouati, directeur général et fondateur de Mirova revient notamment dans cet échange sur le rôle que peut jouer la réglementation encadrant le marché de la finance durable sur le comportement des acteurs financiers.

Dans le système actuel, les acteurs financiers ont-ils intérêt à agir en faveur de la transition écologique ?

Il y a des stimuli dans les deux sens. Ils ont intérêt à agir parce que la transition a bien commencé et qu’ils doivent s’intégrer dans cette transition. Les acteurs financiers essaient de maximiser leurs opportunités tout en évitant les risques de dévalorisation des actifs ou d’anticipation de réglementation future plus stricte, par exemple en matière de prix du carbone. Sur le long terme, il y a un réel intérêt d’intégrer les impacts de la transition, de prendre en compte les conséquences du changement climatique. Ceci étant dit, le système financier fonctionne aujourd’hui avec une vision court termiste, sans se préoccuper de ce qu’il se passe au-delà de l’ho-rizon visible. S’il n’y a pas de réglementation pour modifier le comportement des agents financiers, ils ne vont pas changer.

La réglementation encadrant le marché de la finance durable a donc peu d’effets sur les comportements des acteurs ?

Les textes qui ont vu le jour depuis 2015 concernent surtout la publication d’informations. L’idée de base est que pour modifier le comportement du marché, il faut donner plus d’informations aux acteurs financiers, pour qu’ils donnent une valeur à ces externalités négatives. Mais ces réglementations ne donnent pas d’incitations réelles à prendre en compte cette information. Il y a eu par exemple des discussions autour de l’idée de modi- fier les exigences en capitaux des banques, pour encourager le financement de l’économie verte. L’idée a été abandonnée, mais cela aurait été une solution concrète pour faire évoluer les comportements. Les textes existants les plus ambitieux concernent l’épargne, avec une exigence de plus en plus forte d’informer les épargnants sur l’impact de leurs portefeuilles, mais là encore, il ne s’agit pas d’une incitation directe à faire évoluer le marché.

Il existe aujourd’hui une vraie défiance des épargnants envers le système financier. Est-il possible de réconcilier les Français avec la finance ?

Je crains que le problème soit devenu plus grave que cela. Depuis la crise de 2008, la défiance des Français s’est généralisée bien au-delà de la finance et concerne toutes les formes de pouvoir : économique, politique et financier. La finance durable fait aussi face à ses propres difficultés. Quand on regarde les chiffres du marché, on a le sentiment qu’une grande partie des acteurs ont basculé vers la finance responsable. Mais la prise en compte des critères ESG est une notion floue, jamais clairement définie, qui recouvre des réalités très différentes. C’est problématique car cela entraîne des accusations de greenwashing avec une perception biaisée du marché, qui n’est pas blanc ou noir, mais un continuum allant de gris clair à gris foncé. Cette mauvaise perception fait peser un risque fort sur le futur de l’investissement responsable, or je continue de penser que les investisseurs les plus en avance sont importants et utiles dans la transformation de l’économie.

 

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