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En bref

Climat: la propreté douteuse de certains crédits aux entreprises

Alors que de nombreuses banques ont adopté des politiques pour ne plus financer certains secteurs particulièrement polluants, les ONG jugent qu'elles ne sont pas assez strictes. En cause, notamment, le fonctionnement dual du système de financement.

Lorsqu'une banque accorde un crédit à une entreprise, elle peut le faire à travers un "financement dédié", où l'argent est destiné à un projet particulier, ou via un "financement d'entreprise". Dans ce dernier cas, les fonds rejoignent la trésorerie. Si on prend le cas des forages en Arctique, de nombreux acteurs financiers se sont engagés à ne plus les financer. Mais, outre les définitions très variables de la zone à protéger, l'exclusion concerne avant tout les financements dédiés.

Pour les financements d'entreprises, les banques utilisent souvent un seuil d'exclusion, c'est-à-dire qu'elle ne finance plus les entreprises dont les forages en Arctique représenteraient plus que, par exemple, 30 % de l'activité. Problème : les sociétés les plus expansionnistes sont en général des majors très diversifiées, et passent donc sous ce seuil de 30 %. C'est le cas de TotalEnergies, principal pétrolier européen à s'étendre en Arctique, et toujours financé par la majorité des banques.

Ainsi, du fait de ce double système de financement, rien n'empêcherait, en théorie, une entreprise d'utiliser ses fonds propres pour financer un projet extrêmement polluant... et ensuite de souscrire un prêt pour reconstituer sa trésorerie. "Nous avons eu des cas où les entreprises font valoir que les financements généraux qui leur sont octroyés ne seront pas utilisés pour tel ou tel projet, mais l'argent est fongible et donc par nature, il va servir à financer l'intégralité des projets", a expliqué à l'AFP Lucie Pinson, directrice générale de l'ONG Reclaim Finance.

Pour un haut cadre d'une banque française, chargé notamment des sujets en lien avec le climat, il faut regarder l'intégralité des projets énergétiques de l'entreprise et se dire que si, par exemple, elle développe 80 % de renouvelables, alors le non renouvelable peut, d'une certaine manière, être considéré comme financé par les fonds propres et non par les crédits.

Mais il en convient, cette marge d’appréciation est subjective et des modèles d'aide à la décision sont en train d'être développés. Pour Mme Pinson, si les banques doivent continuer de financer des entreprises polluantes pour les aider à se verdir, comme elles le prétendent, elles devraient le faire seulement à travers des financements dédiés.

Avec AFP.