Noam Leandri, secrétaire général de l’ADEME.
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tribune

Le "mirage" de la finance verte sera bientôt réalité

Pour atteindre une "taille critique", la finance verte doit encore relever plusieurs défis, détaille dans cette tribune Noam Leandri, secrétaire général de l'ADEME. 

Les financements en faveur du climat progressent fortement depuis l’Accord de Paris. Mais ils restent insuffisants pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Moins de 1 % des fonds d’investissement sont alignés sur les objectifs climatiques selon une récente étude du Carbon Disclosure Project.

Quelques jours avant la COP 26 à Glasgow, un groupe d’activistes a perturbé la journée de la finance climat que j’animais à la bourse de Paris en scandant "les énergies fossiles ou notre avenir". Ils ont raison : les banques françaises financent encore les énergies fossiles. Toutefois, comme l’a reconnu la directrice de l’ONG Reclaim Finance, Lucie Pinson, de plus en plus de banques annoncent l’exclusion de ces secteurs, à un rythme certainement trop lent.

Pourtant, il ne suffira pas de ne plus financer les énergies fossiles pour atteindre nos objectifs climatiques. Il faut aussi plus d’investissements verts. La réglementation française et européenne devrait apporter un coup de fouet à partir de l’an prochain : la loi PACTE obligera les assurances à proposer au moins un fonds durable aux épargnants. L’Union européenne et la Banque centrale européenne déroulent leurs plans d’action : écolabel sur les fonds verts, lutte contre le greenwashing, obligation d’interroger les épargnants sur leurs préférences vertes, avantage aux projets verts dans les financements BCE..., les outils vont monter en puissance.

Pour atteindre une taille critique, la finance verte fait aujourd’hui face à trois défis. Elle doit premièrement réconcilier deux points de vue a priori antagonistes. D’un côté, les épargnants, les investisseurs et les banques veulent bien investir dans des actifs verts s’ils leur assurent le même rendement. De l’autre, les entreprises et les porteurs de projets doivent prendre plus de risque sans pouvoir offrir des rentabilités. La principale clé reste d’appliquer un prix aux biens communs, comme le carbone ou la nature, dans la durée, pour rééquilibrer les rentabilités des projets verts et marron.

Deuxièmement, les innovations joueront un rôle clé dans le succès de la finance verte : la Place de Paris dispose pour cela d’un écosystème mobilisé de longue date et regroupé au sein de l’association Finance for Tomorrow. Il faut désormais passer à la vitesse supérieure pour produire des communs dans l’intérêt général plutôt qu’une compétition stérile entre places financières. A commencer par le déploiement de la taxonomie verte et un langage commun pour la mesure de l’impact des investissements et financements verts, autour de concepts clés comme l’additionnalité et l’intentionnalité.

Enfin, si la perception citoyenne des enjeux climatiques et environnementaux progresse, le déficit de connaissances des mécanismes à l’œuvre et des changements nécessaires en termes de modèles économiques est encore colossal. C’est aussi un obstacle pour le développement de la finance verte, qui nécessite de mobiliser tout un écosystème, des conseillers bancaires et financiers aux dirigeants d’entreprises, y compris de petites et moyennes entreprises. La finance verte doit devenir une réalité pour les épargnants. Ainsi l’éco-épargnant pourra demain exiger d’investir dans des fonds verts insuffisamment mis en avant dans les réseaux traditionnels de distribution.

On le voit, ce que certains estimaient être un mirage devient réalité sous la pression règlementaire couplée à la soif de sens des épargnants. Il reste à confirmer cette ambition dans les prochaines décisions européennes et françaises pour rester à l’avant-garde du financement de la transition écologique.

Par Noam Leandri, secrétaire général de l’ADEME. 

 

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