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Investissement socialement responsable : mode d’emploi (3/3)

Investir responsable rapporte-t-il autant que la normale ? Comme mesure-t-on l'impact des fonds ISR sur l'économie réelle ? Quelle est le cadre réglementaire pour les investisseurs ? 

L’ISR rapporte-il autant qu’un investissement classique ?

La crainte d’une sous-performance financière induite par la réduction volontaire de l’univers d’investissement constitue encore aujourd’hui l’un des principaux freins à l’essor de l’ISR, pointent régulièrement les enquêtes menées sur le sujet.

Pourtant, la littérature académique et de nombreuses études réalisées par des acteurs financiers tendent depuis maintenant plusieurs décennies à démontrer que la prise en compte de critères ESG n’entraine pas systématiquement une rentabilité inférieure, même si la grande variété d’approches de gestion empêche de tirer des conclusions absolues. Il est donc tout à fait possible de trouver des fonds ISR affichant des performances comparables voire supérieures à celles des fonds classiques de même catégorie.

L’investissement socialement responsable n’est pas un acte philanthropique et sa définition de référence insiste d’ailleurs bien sur la recherche d’une performance à la fois financière et extra-financière. L’intégration de critères ESG pourrait d’ailleurs à terme avoir un impact bien réel sur le rendement, affirment aujourd’hui de nombreux tenants de l’ISR, puisqu’elle permettrait, quand elle bien menée, une meilleure compréhension des émetteurs et de leurs activités, et contribuerait par exemple à l’identification de facteurs de risques parfois ignorés de l’analyse financière classique. Mais également d’opportunités de long terme liées par exemple à la transition énergétique. Attention toutefois, l’intégration ESG n’est pas nécessairement synonyme de surperformance, et le talent des gérants est encore un facteur essentiel dans le rendement des fonds. Comme pour les produits classiques, il convient donc de bien se renseigner avant de sélectionner un fonds ISR.

Comment mesurer l’impact réel de l’ISR ?

C’est l’autre grande interrogation associée à l’ISR, et les enjeux sont nombreux : soupçons de greenwashing, attentes grandissantes des clients, autant institutionnels qu’individuels, cadre réglementaire de plus en plus insistant... L’investissement socialement responsable est plus que jamais dans la nécessité de joindre le geste à la parole et de prouver la vraie valeur ajoutée de ses process. Pour ce faire, les acteurs du secteur doivent identifier des indicateurs fiables et lisibles qui permettent notamment de comparer l’impact réel des portefeuilles ISR à celui de fonds classiques ou d’indices de référence.

Exemple d’indicateurs ESG
Environnementaux  Sociaux Gouvernance 

Émissions de gaz à effet de serre en tonnes par million d’euros de chiffre d’affaires

Taux de formation des salariés

Pourcentage de femmes dans le conseil d’administration

Consommation d’eau en m3

Taux de fréquence des accidents de travail

Rémunération des dirigeants

L’exercice toutefois reste complexe, car les indicateurs retenus ne sont pas toujours pertinents et présentent parfois une grande hétérogénéité, rendant difficile l’agrégation au niveau des portefeuilles, si bien que la question d’une éventuelle harmonisation revient régulièrement sur la table. Dans un tel cadre, de nombreuses initiatives intéressantes émergent, et les 17 Objectifs de Développement Durable de l’ONU, que s’attribuent également de plus en plus les entreprises dans leur communication RSE, composent désormais un socle de référence pour de nombreux acteurs. Enfin, il reste important de noter que les objectifs en matière d’impact dépendent fortement des approches adoptées et des philosophies propres à chaque fonds.

Pour en savoir plus, retrouvez le dossier « Performance extra-financière : l’ISR à l’heure du crash test ».

Quelles sont les obligations pour les investisseurs ?

En France, les sociétés de gestion ainsi que les investisseurs institutionnels sont tenus de produire, depuis l’adoption de l’article 173-VI de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, des informations sur l’intégration du risque climatique dans leurs stratégies d’investissement. Cet article demande également de rendre des comptes sur les moyens déployés pour l’intégration des enjeux ESG et sur l’impact de cette intégration sur les performances ESG des investissements. Ce notamment afin de « favoriser le développement d’approches diverses (...) et de contribuer à l’émergence de meilleures pratiques », et permettre une meilleure lisibilité pour les investisseurs non professionnels. Quatre ans après l’entrée en application de la loi, l’exercice présente un bilan mitigé, pointait toutefois récemment un rapport du ministère de la Transition Écologique et Solidaire et du ministère de l’Économie et des Finances.

Comment l'Europe s'empare-t-elle du sujet ?

La Commission européenne a dévoilé en mars 2018 les grandes lignes de son plan d'action pour la finance durable, largement basé sur les recommandations d'un groupe d'experts de haut niveau formé fin 2016. Celui-ci prévoit notamment l'élaboration d'une taxonomie des activités vertes, la création de nouvelles catégories d'indices "bas carbone", ou encore la mise en place d'un standard pour les obligations vertes (ou green bonds), avec l'objectif affiché de permettre la réorientation des flux financiers en faveur de l'investissement responsable et de favoriser la transparence et une vision à long-terme dans l'activité financière et économique. Ces différents points font désormais l'objet de rapports de la part d'un second groupe d'experts (Technical Expert Group on Sustainable Finance ou TEG), dont les propositions devraient servir de bases pour l'écriture de textes législatifs dès le premier semestre 2020.

Que change la loi PACTE pour l'ISR ?

Adoptée en avril 2019, la loi PACTE entend permettre de rediriger une partie des 1 700 milliards d’euros d’encours investis dans des assurances vie en France en faveur de la transition énergétique. Pour ce faire, elle a introduit pour tous les contrats d’assurance-vie l’obligation, dès 2020, de proposer au moins une unité de compte solidaire ou labellisée ISR ou Greenfin puis, à partir de 2022 au moins un fonds de chacune de ces catégories.

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