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Finance durable

Les small caps, trop souvent oubliées des portefeuilles durables

Les petites capitalisations n’ont pas échappé à la tempête qui a secoué les marchés financiers en 2022, mais les crises successives n’ont pas écorné l’attractivité de ces valeurs, qui ont un potentiel formidable dans une allocation durable.

Trop souvent négligées par les portefeuilles durables, les petites capitalisations, ou small caps, sont pourtant un vivier formidable de valeurs à intégrer dans une allocation durable. Chahutées par les marchés l’an dernier, elles ont tout de même maintenu le cap dans la tempête. "2022 a été une année de sous-performance, sur fond d’aversion au risque des investisseurs", résume Benjamin Rousseau, gérant de fonds small et mid caps au sein d’Edmond de Rothschild Asset Management. "Pour autant, les fondamentaux des sociétés sont restés très bons, et les valorisations n’ont jamais été aussi intéressantes, à la fois en absolu, mais aussi en relatif par rapport aux large caps". Les deux segments ont suivi une courbe de performance similaire l’an dernier, avec un rendement en baisse de 14,7 % pour l’indice Stoxx Europe AC Large Cap, et de 20,2 % pour le Stoxx Small. "Le marché a connu quelques craintes quant à la capacité des small caps à défendre leurs marges, sachant qu’elles n’ont pas le même pricing power que les large caps. Mais elles ont réussi à augmenter leurs prix, ce qui a été accepté par leurs clients", explique Julien Goujon, analyste financier et co-gérant des fonds small et mid caps de Dorval AM.

Des biais sectoriels importants 

Cette classe d’actifs n’a pas été exposée de la même manière que les large caps aux crises de 2022, en grande partie à cause de biais sectoriels importants. "Il n’y a ni pétroliers, ni énergéticiens, ni utilities dans les small caps. Elles sont surtout positionnées sur les secteurs de l’industrie, des services et des technologies", résume Julien Goujon. Ce biais sectoriel n’a pas permis aux petites capitalisations de profiter de la hausse des prix de l’énergie, mais il lui a aussi permis d’éviter l’exposition à la crise bancaire de début 2023. "Ce qui fait la beauté des small caps, c’est l’exposition à des thématiques structurelles comme la digitalisation ou la transition énergétique, sachant que l’industrie, les technologies de l’information et la santé restent très présentes sur ce segment", renchérit Benjamin Rousseau. Pour cette raison, les small caps sont un segment de marché très peu impacté par les pratiques d’exclusions sectorielles des fonds responsables. Elles sont en revanche en train de rattraper leur retard sur la mise à disposition de données ESG aux investisseurs. "Il y a encore trois ans, l’ESG était un sujet lointain pour les small caps. Elles ont toujours fait beaucoup, notamment sur le plan social et en matière de gouvernance, mais ce n’était pas structuré, pas communiqué ou mal", explique Julien Goujon. Selon le professionnel, la nouvelle réglementation URD (document d’enregistrement universel) a accéléré la formalisation de ces critères au sein des small caps. "Néanmoins, nous ne pouvons pas leur demander d’être au même niveau de disclosure que les large caps, car elles n’ont ni les mêmes moyens ni les mêmes tailles d’équipes dédiées à ces sujets", précise-t-il.

Un accès aux données ESG plus ardu 

Au niveau de la collecte des données, l’équation est toutefois un peu plus complexe à résoudre que sur le segment des large caps. Par exemple, Dorval AM fait appel à MSCI pour les large caps, mais s’est contraint à ne pas utiliser ce même fournisseur pour les small caps européennes. "À cause de leur prisme américain, certaines entreprises sont très mal notées sur la protection des données personnelles par exemple, alors que toutes les sociétés européennes sont soumises à RGPD" illustre Julien Goujon. La société de gestion a d’abord choisi de développer un système de notation en interne. Pour pouvoir balayer un univers d’investissement plus large, ils font désormais appel à EthiFinance sur ce segment des small caps. Un acteur qui fait aussi partie des fournisseurs de données auxquels fait appel Edmond de Rothschild AM. Mais récolter ces données reste insuffisant pour les deux gérants, qui défendent l’importance du dialogue pour prendre les meilleures décisions d’investissement. "Rencontrer les sociétés, c’est le nerf de la guerre sur ce segment", affirme Benjamin Rousseau. "Chez nous, chaque gérant small et mid caps rencontre au moins 200 sociétés par an, donc il y a une discussion constante avec le management des sociétés".

Un vivier d'opportunités immense 

Dans la durée, les small caps surperforment les large caps, tirées par les performances des entreprises de croissance, et une surexposition aux secteurs de l’économie connaissant le plus fort développement. Pour un investisseur responsable, elles représentent un vivier d’opportunités immense, bien que trop souvent négligé. "Les small caps ont une belle carte à jouer dans l’ESG car beaucoup d’entre elles ont une bonne culture d’entreprise, sont des sociétés dans lesquelles les employés aiment travailler, et sont dans des secteurs peu controversés", résume Benjamin Rousseau. Poussées par une réglementation de plus en plus contraignante et des investisseurs toujours plus exigeants, elles sont de mieux en mieux structurées sur la collecte de données extra-financières. Une adaptation qui leur permettra de mieux briller à l’avenir au sein des portefeuilles responsables.

 

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