D’après une étude menée par ShareAction, seule une société de gestion sur seize applique des critères de décarbonation conformes à l’Accord de Paris.
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Finance durable

Finance durable : les investisseurs immobiliers restent loin des objectifs de l’Accord de Paris

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Une récente étude de ShareAction met en lumière le retard des sociétés de gestion dans l’intégration de critères de décarbonation réellement alignés sur l’Accord de Paris.

À quelques mois du dixième anniversaire de l’Accord de Paris, une étude de l’ONG britannique ShareAction révèle que les principaux investisseurs en immobilier peinent encore à s’aligner sur ses objectifs climatiques. L’analyse s’est penchée sur les stratégies de décarbonation de 16 grandes sociétés de gestion actives en Amérique, en Europe et en Asie, parmi lesquelles figurent la Française Praemia REIM, l’Américain Blackstone ou encore la Danoise Nrep.

Selon ShareAction, le marché mondial de l’immobilier représentait 13 200 milliards de dollars en 2023. À lui seul, un groupe de 150 investisseurs détenait environ 46 % de cette valeur. Un pouvoir de marché considérable, mais encore peu mobilisé pour répondre à l’urgence climatique.

Une douzaine d'indicateurs

L’étude a été réalisée en se basant sur une douzaine de critères regroupés en trois volets : fixation d’objectifs, actions de décarbonation et reporting. Les émissions sont ensuite évaluées selon trois scopes :

- Le scope 1 correspond aux émissions directes résultant de la combustion d’énergies fossiles.

- Le scope 2 concerne les émissions indirectes liées à la consommation d'électricité.

- Enfin, le scope 3 regroupe les autres émissions indirectes, notamment celles générées par les locataires et par les matériaux utilisés dans la construction ou la rénovation des bâtiments.

L'Europe en pôle position

Et les résultats mettent en évidence des écarts importants selon les pays. En France, la société de gestion Praemia (anciennement Primonial, rebaptisée en 2024) n’atteint pas la moyenne dans l’évaluation de ShareAction, avec un score modeste de 12 %. L’entreprise affiche pourtant un engagement public en faveur de la neutralité carbone d’ici 2050, notamment sur son site internet. Mais selon l’ONG, ces engagements restent insuffisants : ils se limitent aux scopes 1 et 2, sans prendre en compte les émissions indirectes (scope 3), essentielles dans le secteur immobilier, comme celles générées par les locataires des immeubles.

Malgré ces limites, les sociétés européennes dominent le classement établi par ShareAction. En tête, la société danoise Nrep se démarque nettement, étant la seule à remplir l’ensemble des critères, avec un score de 99 %. Derrière elle, la Britannique Savills Investment Management et l’Allemand Patrizia se distinguent également par des démarches plus complètes et transparentes. 

À l’opposé du classement, plusieurs entreprises américaines ferment la marche : Greystar, Starwood Capital Group et Blackstone n’ont atteint aucun des critères de l’ONG.

De nouvelles normes en France

En France, la législation se durcit progressivement sur les questions énergétiques et environnementales. Depuis le 1er janvier 2025, les logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE) sont considérés comme "indécents" et ne peuvent plus être proposés à la location. Cette interdiction s'étendra aux logements classés F en 2028, puis aux logements classés E en 2034. Les propriétaires concernés devront engager des travaux de rénovation énergétique s’ils souhaitent continuer à louer leurs biens. Les locataires, de leur côté, sont en droit d’exiger la réalisation de ces travaux si le logement est classé F ou G.

Pour compléter le cadre réglementaire sur les bâtiments existants, la construction de logements neufs est également encadrée par de nouvelles normes. Entrée en vigueur en 2022, la réglementation environnementale RE2020 marque un tournant dans la construction de logements neufs en France. Elle impose des normes plus strictes en matière de performance énergétique et d'empreinte carbone.

Parmi les nouvelles exigences : l’interdiction progressive du chauffage au gaz naturel, l’obligation pour les bâtiments de tendre vers une autonomie énergétique notamment via l’installation de panneaux solaires, et la limitation des émissions de CO₂ générées par la construction. Ces contraintes encouragent le recours à des matériaux durables, performants et à faible impact environnemental, tout en assurant une meilleure qualité globale des bâtiments.