Les projets agricoles parviennent à se financer à hauteur de 5 à 10 % grâce au label, contre 60 à 100 % pour ceux du secteur forestier.
©Helena Lopes/Pexels
Finance durable

Le label bas-carbone peine à financer les projets agricoles

Article réservé aux abonnés

Le label bas-carbone permet de financer des projets participant à la lutte contre le changement climatique. L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) dresse le bilan de l'outil, 6 ans après son lancement.

Initié par le ministère de la Transition écologique dès 2018, le label bas-carbone rencontre des difficultés à séduire les investisseurs, en particulier dans le secteur agricole

Les projets forestiers, 1 200 au total sur les 1 685 projets financés au 31 mars, ont beaucoup moins de difficultés à se financer, souligne l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) dans le bilan qu’il dresse du label. 

Financer des projets 

L’objectif du label est avant tout de financer des projets, et non pas des entreprises ou des produits, participant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, comme il le rappelle sur son site officiel. 

Ces projets ne peuvent être labellisés que si les réductions d’émissions induites sont additionnelles, c’est-à-dire qu’elles avaient besoin de ce projet pour voir le jour. Ils doivent également être locaux et idéalement apporter des co-bénéfices, notamment sur la biodiversité, la santé, l’emploi, la qualité de l’air ou de l’eau, etc. 

Pour être financés, les projets du label reposent sur le principe de compensation carbone. Ils émettent des crédits carbone, qui sont achetés par la suite par des entreprises, soit volontairement dans le cadre de leur stratégie RSE, soit par obligation de compenser leurs émissions de CO2. 

Des milliers d’hectares reboisés 

L’étude révèle que les projets du label ont permis d’éviter l’émission potentielle de 6,41 millions de tonnes de gaz à effet de serre, un chiffre "qui sera vérifié et ajusté sur 5 ans", principalement dans les secteurs de la forêt et de l’agriculture. 

Les projets agricoles ont toutefois plus de mal à séduire les investisseurs, regrettent les auteurs du rapport. 3 500 exploitations sont engagées dans une initiative du label, notamment dans l’élevage et les grandes cultures

L’objectif pour elles est d’agir sur la fermentation entérique – une partie du processus digestif des bovins entraînant la production de méthane –, la fertilisation et le carbone du sol, principaux postes d’émissions de CO2 en agriculture.

Le secteur forestier séduit beaucoup plus. En 6 ans, 3 800 ha ont été reboisés, en majorité sur d’anciennes terres agricoles. 5 000 ha de forêts ont aussi été reconstitués après un incendie, "dont 93 % en Nouvelle-Aquitaine, principalement suite aux incendies survenus en Gironde durant l’été 2022". Enfin, 3 300 ha de forêts ont été "reconstituées suite à un dépérissement, dont au moins 72 % font suite à l’épidémie de scolytes sur les épicéas du Nord-Est de la France". 

L’entretien des forêts permet de restaurer leur capacité de stockage du carbone, un processus indispensable quand on sait qu’elles constituent le 2e plus grand puits de carbone de la planète. 

Des crédits carbone plus chers que la moyenne 

En tout, les projets forestiers parviennent à se financer à hauteur de 60 à 100 % grâce au label bas-carbone, bien loin devant les projets agricoles, qui dépassent difficilement les 5 à 10 %. 

L’étude souligne le prix élevé du label, où les crédits carbone coûtent 35 euros la tonne de CO2, "ce qui est plus de 4 fois plus que les prix du marché international". Elle note toutefois que le label "ne pourra se passer d’une reconnaissance hors de nos frontières, notamment pour s’assurer de son attractivité auprès des grands groupes".

Ce questionnement a aussi lieu dans le cadre de l’arrivée d’un nouveau "cadre de certification carbone" européen, le Carbon Removals and Carbon Farming (CRCF). Pour l’Institut de l’économie pour le climat, deux scénarios se dessinent : soit le label bas-carbone sera intégré au CRCF, imposant une refonte de son fonctionnement, soit il restera indépendant, "mais avec une possible perte d’attrac­tivité pour les financeurs qui opèrent à l’échelle internationale".