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Finance durable

Le crowdfunding séduit les investisseurs en quête d’impact

En forte croissance depuis quelques années, le financement participatif peut constituer une alternative intéressante aux fonds de capital-investissement et de dette privée pour les investisseurs en recherche de performance, de transparence et d’impact. Florence de Maupéou-Pitel, Directrice de Financement Participatif France (FPF), et Laure Verhaeghe, Co-fondatrice et Présidente de Lendosphère, reviennent sur quelques caractéristiques de cette classe d’actifs.

Quelle dynamique observez-vous autour du financement participatif en France? Quelle est la part des projets à dimension sociale et/ou environnementale ?

Florence de Maupéou-Pitel : Depuis l’apparition des premières plateformes en 2008, le visage du financement participatif (ou crowdfunding) s’est profondément transformé au cours des années. En 2022, la collecte a atteint les 2,3 milliards d’euros collectés, soit une croissance de 25 % par rapport à 2021. Le secteur de l’immobilier (financement de promoteurs ou marchands de biens) représente 70 % des volumes collectés, suivi par le secteur de l’environnement et des énergies renouvelables pour 13,6 %. Autre aspect révélateur d’une tendance de fond: la prise en compte de la durabilité. En 2022, près de 62 000 projets avaient une dimension sociale ou environnementale. Alors certes, l’impact est au cœur même des principes fondateurs du crowdfunding: permettre aux citoyens d’affecter leur argent aux projets qu’ils ont choisis, dans un souci de transparence, de traçabilité et de proximité. Mais les outils d’évaluation extra-financière se développent et se professionnalisent au sein des plateformes. Dans le dernier baromètre FPF / Mazars, 73,6 % des plateformes indiquaient prendre en compte les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) pour sélectionner les projets éligibles au financement sur leur site.

Le ministère de la Transition écologique a lancé en 2017 le label "financement participatif pour la croissance verte". Que garantit-il et qui peut en bénéficier ?

Florence de Maupéou-Pitel : Depuis le lancement du label, ce sont une vingtaine de plateformes qui ont labellisé plus de 120 projets. Le label vise à donner plus de visibilité aux projets de crowdfunding qui concourent à la transition énergétique et écologique dans les territoires. Les projets labellisés doivent garantir la transparence de l’information et apporter aux financeurs des données sur l’impact et la qualité environnementale du projet.

Financer des projets à impact environnemental et/ou social peut-il être synonyme de rendements intéressants ?

Florence de Maupéou-Pitel : Permettre à son épargne d’avoir un impact tout en attendant un rendement intéressant n’est pas incompatible. Dans l’immobilier, où les taux d’intérêt sont de 9,4 % en moyenne, on voit de plus en plus de projets de rénovation énergétique des bâtiments. L’année dernière l’entreprise TOWT (TransOceanic Wind Transport), dont l’objectif est de réduire l’impact environnemental du transport maritime en développant des voiliers-cargos, a fait une émission d’obligations convertibles en actions dont le taux d’intérêt annuel était de 7 %... et les exemples sont nombreux !

Quels sont les freins actuels au développement du crowdfunding en France et comment les lever?

Florence de Maupéou-Pitel : Il y a encore beaucoup de pédagogie à faire autour du financement participatif, aussi bien du côté des entreprises pour faire connaître cette solution alternative ou complémentaire de financement, que du côté des épargnants pour qu’ils contribuent au financement de l’économie réelle. Mais investir sur les plateformes de crowdfunding présente un risque réel de perte en capital, c’est pourquoi des dispositifs de soutien à l’investissement pourraient être développés pour inciter les Français à avoir un impact via leur porte-monnaie en réduisant l’aversion au risque et à la perte.

Quelle est la nature des projets financés sur Lendosphere, et comment les sélectionnez-vous d’un point de vue financier et extra-financier ?

Laure Verhaeghe : Lendosphere est une plateforme experte de la transition énergétique et écologique : nous présentons ainsi des parcs éoliens et des centrales solaires, des unités de méthanisation, des réseaux de chaleur, mais aussi des chantiers de rénovation énergétique du bâtiment ou d’industrie verte – enjeux prioritaires pour notre souveraineté énergétique et nos objectifs climatiques. Du point de vue extra-financier, nous sélectionnons exclusivement des projets qui contribuent à la décarbonation de notre modèle économique. Lendosphere est une plateforme labellisatrice Financement participatif pour la croissance verte, label créé par le ministère de la Transition écologique, que nous attribuons aux projets qui respectent le cahier des charges en matière de transparence et de qualité environnementale. Notre équipe passe les dossiers de financement au crible d’une analyse complète, financière, juridique et technique, afin de nous assurer de la qualité et de la solidité des projets et de mettre en place les sûretés adaptées pour les investisseurs. Seuls les dossiers retenus à l’issue de ce process sont mis en ligne.

Comment mettez-vous en évidence les impacts positifs des projets ?

Laure Verhaeghe : Grâce à l’investissement direct dans des infrastructures d’énergies renouvelables, Lendosphere apporte des indicateurs solides aux investisseurs en termes d’impact : puissance installée (en MW), production d’électricité verte réalisée (MWh) et/ou tonnes de CO2 évitées. Pour ces projets, inscrits dans les territoires, les investisseurs sont aussi régulièrement invités à des visites de chantier, des inaugurations, etc., faisant perdurer la sensibilisation et la proximité entre l’investisseur et le projet financé. 

Pourquoi choisir le crowdfunding pour financer des projets à impact ?

Laure Verhaeghe : Le crowdfunding permet à tous d’investir avec un montant minimum de 50 €, et sans frais, ce qui en fait un levier de démocratisation de l’investissement à impact. Il assure également une diversification importante pour l’investisseur plus averti ou professionnel, avec des opportunités en forte accélération (Lendosphere a par exemple présenté 105 projets en 2022). La transparence est assurée grâce à la présentation en ligne de chaque projet, ce qui permet de se constituer un portefeuille personnalisé et cohérent avec ses valeurs ; et grâce à notre reporting précis, véritable rempart contre le greenwashing. De plus, le financement participatif dans les énergies renouvelables présente de bons résultats en termes de bénéfices/risques. Ainsi sur Lendosphere le rendement est compris entre 6 % et 7 % avec une absence de défaut à date.

Quelques exemples de projets soutenus ces dernières années ?

Laure Verhaeghe : Pour le réseau de chaleur du Havre, une campagne exclusivement réservée aux habitants de la Métropole leur a permis d’investir 1 M€ dans cette infrastructure qui repose à 80 % sur des énergies renouvelables et de récupération. Dans l’éolien, l’une des priorités pour atteindre les objectifs est le repowering qui consiste à installer de nouvelles turbines sur des sites déjà équipés. 1 700 inscrits sur Lendosphere ont ainsi financé à hauteur de 5 M€ le repowering d’un parc éolien dans le Pas-de-Calais, permettant d’en tripler la production. Le solaire, énergie phare de la loi d’accélération des EnR, représente la moitié des projets présentés sur Lendosphere, à l’instar des 29 centrales en toitures dont nous avons accompagné la construction via une campagne de 3 M€ pour le développeur Voltaïca.

 

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