La directive CSRD incarne la lassitude de nombreux patrons européens à consacrer beaucoup de temps et d'argent à la bureaucratie, plutôt qu'à la compétitivité face à la concurrence mondiale.
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Finance durable

CSRD, la directive européenne qui exaspère les tenants d'une Europe plus compétitive

"Délire bureaucratique", selon le directeur général de la banque BNP Paribas, la directive CSRD incarne la lassitude de nombreux patrons européens à consacrer beaucoup de temps et d'argent à la bureaucratie, plutôt qu'à la compétitivité face à la concurrence mondiale.

La CSRD vise à harmoniser en Europe la manière dont les entreprises rapportent leurs données de "durabilité" (environnementales, sociales et de gouvernance - ESG), notamment pour que les investisseurs sachent mieux à quoi s'en tenir sur ces sujets.

Ces obligations entrent en vigueur au 1er janvier 2025 pour l'exercice 2024 pour les grandes entreprises, et s'étaleront jusqu'en 2029 pour les petites PME cotées. La précédente législature européenne a été marquée par le Pacte vert, qui vise à la neutralité carbone de l'UE d'ici à 2050, et dans lequel s'inscrit la CSRD.

Mais la concurrence de la Chine, de l'Inde et des États-Unis, à deux mois du retour de Donald Trump, place le nouveau mandat sous le signe d'une compétitivité à retrouver d'urgence, comme l'a souligné en septembre un rapport de l'ancien Premier ministre italien et ex-président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi.

La semaine dernière à Paris, la "bureaucratie" européenne a fait partie des cibles d'une rencontre du Medef et de ses homologues allemand et italien, BDI et Confindustria, en présence de ministres des trois pays dont le Premier ministre Michel Barnier.

Celui-ci, ancien commissaire européen, a qualifié le Pacte vert de "sorte d'idéologie" où "on n'a pas évalué les conséquences sur l'industrie de ce qu'on faisait". Dans leur déclaration finale détaillant les réformes souhaitables, les leaders patronaux consacrent un chapitre à la simplification réglementaire.

Ils jugent "particulièrement préoccupantes" la CSRD et la CSDDD, autre directive qui obligera dès 2027 les entreprises européennes, mais aussi leurs fournisseurs et sous-traitants, à prendre des mesures contre la violation des droits humains et la dégradation de l'environnement.

Ces textes sont "pour nous un drapeau rouge, et pour nos concurrents un drapeau blanc, celui de notre reddition", a relevé le président du Medef Patrick Martin.

"Climat anxiogène"

Ces préoccupations font leur chemin: la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a promis, lors du sommet européen de Budapest, début novembre, une "loi omnibus" visant à revoir "ce qui paraît excessif" dans la forme de ces textes, en termes de données collectées notamment.

"Mais le contenu est bon, nous le maintiendrons", a-t-elle prévenu. Le sommet lui-même a conclu à la nécessité "d'un état d'esprit axé sur la confiance, qui permette aux entreprises de prospérer sans réglementation excessive". D'autant que l'UE est plutôt bonne élève sur l'environnement, avec quelque 8% des émissions mondiales de carbone pour 15% du PIB.

En France, premier pays des 27 à avoir transposé la CSRD fin 2023 - une dizaine seulement l'ont fait pour l'instant - Michel Barnier a indiqué, dans une interview au JDD, fin octobre, vouloir "une forme de moratoire" pour repousser "de deux ou trois ans" des textes comme la CSRD.

La CSRD "pose des objectifs intelligents (...) mais est-ce le meilleur moment?" s'est demandé aussi le ministre de l'Économie Antoine Armand au Medef.

Dans une note parue la semaine dernière, le centre de réflexion Terra Nova juge au contraire qu'un moratoire serait "contre-productif", balayant au passage "le mythe du tsunami administratif", brandi notamment par la Confédération des PME.

"Pas mal d'informations erronées circulent, contribuant à créer un climat anxiogène" sur cette directive, regrette Marie Hébras, qui dirige Fletchr, société qui propose aux entreprises un outil digital d'aide à leurs opérations de reporting, comme la CSRD.

"Le but est d'aller vers davantage de durabilité", remarque-t-elle, or le débat actuel "risque de tirer vers le bas les ambitions". Comme pour la standardisation des normes comptables internationales il y a quelques dizaines d'années, celle des normes ESG servira à terme à mieux comparer les entreprises entre elles, pour que les acteurs financiers puissent "flécher les investissements vers une activité durable" en toute connaissance de cause, remarque Mme Hébras.

Avec AFP.