Tour Total, La Défense, Paris.
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Finance durable

Comptabilité carbone: première passe d'armes entre TotalEnergies et Greenpeace au tribunal de Paris

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C'est la première fois que TotalEnergies intente directement un procès à Greenpeace France: le groupe pétrolier français et l'ONG se sont fait face jeudi au tribunal judiciaire de Paris pour des questions de procédure, dans une affaire où TotalEnergies est accusé de sous-estimer sa véritable empreinte carbone.

L'un évoque une "procédure baillon" pour faire taire les ONG, l'autre reproche à Greenpeace de vouloir couper court pour "échapper au débat sur le fond". Pendant une heure trente d'audience dans une salle attentive, les avocats des deux parties se sont livrés à une première passe d'armes véhémente, dans le cadre d'une assignation de TotalEnergies pour diffusion "d'informations fausses et trompeuses".

Au cœur de l'affaire, brièvement évoquée à ce stade: un document publié fin 2022 dans lequel Greenpeace estimait que les vraies émissions de gaz à effet de serre de TotalEnergies étaient quatre fois plus importantes que ce que la multinationale rapporte, ouvrant ainsi la porte à un débat sur les méthodes de comptabilité carbone.

Un représentant de Greenpeace estimait alors que "la responsabilité de l'énergéticien dans la crise climatique est bien plus importante que ce qu'elle veut bien reconnaître" et que ses ambitions d'atteindre la neutralité carbone en 2050 étaient "carrément fantaisistes".

Alors que les méthodologies de bilan carbone sont complexes et discutées, Greenpeace affirmait que son chiffrage, "sans prétendre à une 'vérité absolue'", constituait une "contribution au débat". TotalEnergies avait lui réagi en dénonçant "une méthodologie pour le moins douteuse", qui "comptabilise "plusieurs fois les émissions liées à la combustion des produits pétroliers et gaziers.

Si bien que l'énergéticien a assigné en avril 2023 l'ONG et le cabinet prestataire ayant réalisé le rapport, Factor-X, pour avoir "diffusé des informations fausses et trompeuses, reposant sur une méthodologie contestable et comportant de multiples erreurs, doubles comptages et approximations, aboutissant à un résultat incohérent".

"Liberté d'expression"

L'audience de jeudi ne portait pas sur le fond, mais sur des questions procédurales. Greenpeace a en effet demandé la nullité des poursuites à deux titres: l'imprécision de l'assignation de TotalEnergies, qui a occupé l'essentiel de l'audience, et une erreur selon eux sur le fondement et la qualification des faits.

C'est sur ce deuxième point que se concentrent les plus forts enjeux. Greenpeace reproche à l'entreprise d'avoir choisi de le poursuivre au civil en s'appuyant sur le droit boursier, plutôt que d'entamer une action en diffamation en droit pénal.

"TotalEnergies cherche à contourner la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui offre des garanties propres à l’usage de la liberté d’expression", estime jeudi l'ONG dans un communiqué. Pendant l'audience, son avocat Quentin de Margerie a évoqué une "procédure baillon" aux coûts judiciaires élevés, qui représentent une "goutte d'eau" pour TotalEnergies, mais "ce n'est pas la même histoire" pour Greenpeace. "Et ça touche de très près la liberté d'expression".

Débat sur le fond

Pour TotalEnergies, cela montre que l'ONG "tente d’échapper au débat de fond sur la fausseté des informations qu’elle a diffusées en se plaçant sur le terrain de la liberté d’expression", affirme l'entreprise dans un communiqué publié après l'audience.

En effet, si la juge donne raison à Greenpeace concernant la requalification en diffamation, et que la justice confirme en cas d'appel, il serait trop tard pour que TotalEnergies puisse déposer une plainte en diffamation, le délai de prescription étant de trois mois.

"Nous, nous souhaitons avoir cette discussions sur le niveau d'émissions de TotalEnergies", a affirmé à l'audience Me Françoise Labrousse, l'une de ses avocats, réaffirmant par ailleurs le bien fondé de l'assignation sous le droit boursier.

TotalEnergies argue dans son communiqué qu'en tant que société cotée, "l'on ne peut pas laisser dire n'importe quoi ni diffuser de fausses informations chiffrées la concernant puisque cela revient à tromper directement des investisseurs en bourse ou des parties prenantes".

Il exige que Greenpeace et Factor-X suppriment le rapport de leur site et cessent d'en parler, ainsi qu'un euro symbolique de dommages et intérêts et 50.000 euros de frais de justice. Le jugement sur les nullités sera rendu le 28 mars.

Avec AFP.

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