Critère environnemental
Le géant Shell était visé cette année par une résolution d’actionnaires déposée par l’ONG Follow This et soutenue par 27 investisseurs, parmi lesquels des gestionnaires d’actifs membres de la coalition international Climate Action 100+. L’objet de cette résolution : exiger de Shell un alignement de ses émissions indirectes (scope 3) avec les objectifs de l’accord de Paris. Le vote, qui s’est tenu lors de l’assemblée générale le 21 mai dernier, a recueilli 19 % des voix.
Insuffisant pour forcer la main du conseil d’administration, mais assez élevé pour être interprété par le marché comme un signal fort envoyé par les actionnaires. En plus de cette résolution, Shell a demandé à ses actionnaires de voter sur sa stratégie climatique. Le "Say on Climate" a recueilli 22 % de votes négatifs, contraignant la société à prendre des mesures concrètes dans les six mois – une obligation légale au Royaume-Uni, dès qu’une résolution portée par le management obtient plus de 20 % de votes négatifs.
Critère social
- ShareAction à l'attaque des produits malsains à l'AG de Nestlé
Enjoindre Nestlé à réduire la vente de produits malsains alors que l’obésité fait des ravages dans le monde: c’est, dans les grandes lignes, l’objet de la résolution déposée par une coalition d’investisseurs menée par ShareAction en amont de l’assemblée générale du géant suisse. Pour justifier cette demande, ShareAction a cité la responsabilité de Nestlé sur l’alimentation de millions de consommateurs dans le monde, et l’écart entre la raison d’être du groupe, «proposer des aliments et des boissons de qualité», et la qualité nutritionnelle effective des produits mis en vente.
La multinationale s’est exprimée publiquement en amont de l’assemblée générale pour exprimer son désaccord sur le fond de la résolution, qualifiant d’erronée l’affirmation de ShareAction selon laquelle le portefeuille serait majoritairement composé de produits malsains. Le management a convaincu: seuls 11 % des actionnaires ont voté pour la résolution.
- Les salariés de Carrefour vent debout contre l'externalisation des magasins du groupe
Ce ne sont pas les actionnaires mais bien les salariés du groupe Carrefour qui ont fait entendre leur voix le 24 mai dernier. Les syndicats du groupe reprochent à la direction l’externalisation de plus de 300 magasins via des cessions, des transformations en franchise ou location-gérance. 23 000 salariés sont concernés, selon un décompte de la CFDT, qui a assigné Carrefour en justice pour "pratique abusive de la location-gérance et de la franchise". Si cette fronde ne concerne pas directement les actionnaires, elle n’est pas sans lien avec une résolution portée l’an dernier par une coalition menée par Phitrust, qui demandait à la société de s’expliquer sur sa stratégie climatique. Plus précisément, d’expliquer pourquoi Carrefour ne publiait pas ses émissions de scope 3, mais également de préciser si l’entreprise excluait de son calcul ses magasins exploités par des franchisés, alors même qu’ils sont "un élément central" de sa stratégie.
Critère de Gouvernance
- Des attaques en série contre la gouvernance de TotalEnergies
La gouvernance de TotalEnergies était au cœur de toutes les discussions lors de l’AG 2024. En avril, le géant pétrolier avait refusé d’inscrire à l’ordre du jour une résolution co-déposée par la Fondation Ethos, qui proposait la séparation des fonctions de président et directeur général. Porté en justice par la fondation, le litige a finalement été tranché à la faveur de TotalEnergies par le tribunal de Nanterre.
Si les actionnaires n’ont pas pu s’exprimer sur ce point, ils n’ont pas hésité à donner leur avis sur d’autres: 24 % d’entre eux ont voté contre le renouvellement du mandat d’administrateur de Patrick Pouyanné, PDG du groupe depuis 2015. Sa rémunération n’a en outre été approuvée qu’à 92 % des voix, contre 99 % en général. Enfin, le "Say on Climat" de TotalEnergies a été approuvé par 79 % des actionnaires, contre 89 % en 2023. Si aucun de ces scores ne suffit à mettre en difficulté le conseil d’administration, les actionnaires sont en tout cas loin d’être unanimes sur la stratégie de l’entreprise pétrolière.
- Les PFAS et la gouvernance créent des tensions à l'AG de SEB
Une partie des actionnaires familiaux de Seb a fait des remous lors de l’AG du groupe. Le sujet des PFAS, "polluants éternels" utilisés notamment dans la fabrication des poêles Tefal, a notamment été mis sur la table. Federactive, présidé par l’un des descendants des deux fondateurs du groupe, qui pèse environ 7 % du capital et 9 % des droits de vote, s’est en effet inquiété des réglementations à venir et des craintes des consommateurs au sujet de ces polluants, qui doivent être encadrés par une nouvelle loi – en suspens depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Si les ustensiles de cuisine sont exclus de ce cadre pour le moment, Federactive estime qu’il serait stratégique d’anticiper de futurs durcissements. Le groupe a également déposé une résolution qui vise à fixer une limite d’âge du président à 72 ans, ce qui signifierait un départ en 2027 de Thierry de la Tour d’Artaise, l’actuel président. Si les demandes de Federactive n’ont pas porté leurs fruits, elles ont imposé des discussions particulièrement animées lors de l’événement.
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