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Tribune : "Green is the new blue"

Axelle Rupert et Benoît Dicharry, Junior Fellows de l’Institut Open Diplomacy, plaident pour une "transformation profonde du système économique et financier" au service de la transition énergétique et écologique de l'Union européenne.

Les émissions de CO2 n’ont baissé que de 30 % en France lors des huit semaines de confinement, au printemps 2020. Un constat s’impose : la transition énergétique et écologique ne peut s’opérer qu’à travers la transformation profonde du système économique et financier. Les 750 milliards d’euros du plan de relance économique européen Next Generation EU doivent ainsi concrétiser l’ambition européenne de mobiliser Etats, entreprises et citoyens à cette transformation sociétale. Le bleu du projet européen se verdit, tout en essayant d’éviter le piège du greenwashing.

Une transition globale et salvatrice pour l’Union européenne

Axelle Rupert est Junior Fellow de l'Institut Open Diplomacy et s'intéresse particulièrement au développement durable, à la politique environnementale de l'Union européenne et au couple franco-allemand. Elle co-préside également le groupe d'étude thématique "Puissance européenne" de l'institut.
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Dotée d’une compétence partagée avec les Etats membres en matière d’environnement, l’UE s’est dotée d’une stratégie pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 - avant d’inscrire cet objectif dans le marbre de la législation. Le plan de relance Next Generation EU approuvé en juillet 2020 confirme cette ambition écologique européenne. Il prévoit notamment que les 27 Etats membres investissent simultanément plusieurs centaines de milliards d’euros dans la transition dès son entrée en vigueur en 2021.

Au-delà de favoriser l’emploi ou le bien-être, s’imposer comme le leader mondial de la transition énergétique et écologique constituerait une opportunité unique pour l’UE de s’affirmer face aux autres puissances internationales. L’UE a signé et ratifié l’accord de Paris sur le climat et adhéré au Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies en 2015. Des mesures européennes d’ampleur, tel que le système d’échange des quotas d’émission depuis 2005, ou la volonté de conditionner les accords commerciaux au respect de l’accord de Paris, peuvent avoir un impact fort sur les activités d’acteurs internationaux. Elles ancrent le rôle que joue l’UE dans la transformation de notre société. 

Cependant, le mode de fonctionnement de l’UE, et notamment la répartition des compétences entre les différentes échelles politiques et administratives, complique l’identification de son rôle par ses citoyens. L’Union paraît lointaine, complexe et déconnectée des préoccupations : Next Generation EU cherche à y remédier en apportant un soutien net aux citoyens européens. En particulier à la jeune génération préoccupée à la fois par le changement climatique et par les conséquences de la crise de la Covid-19

Ce plan peut contribuer à (enfin) créer une identité commune européenne qui dépasse les différences culturelles, fondée sur des valeurs politiques et environnementales communes et la volonté partagée de répondre à l’urgence climatique

Oser renforcer les moyens d’action de l’Union européenne

Benoit Dicharry est Junior Fellow de l'Institut Open Diplomacy et doctorant au bureau d'économie théorique et appliquée (BETA) de l'université de Strasbourg.
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Pour financer les montants historiques de Next Generation EU, l’Union a besoin de davantage de moyens, et de davantage de ressources propres. La proposition d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (compatible avec les règles commerciales internationales) notamment, présenté en décembre 2019 doit encore être approuvée. Le Commissaire européen à l’Economie Paolo Gentiloni considère lors des Rencontres du Développement Durable qu’une telle fiscalité écologique incitera les partenaires commerciaux de l’UE à réduire leurs émissions de CO2 pour rester compétitifs au sein d’un marché de près de 440 millions de consommateurs.

30 % des 750 milliards d’euros du plan de relance seront également financés par des green bonds. Ces obligations engagent leur émetteur à utiliser les fonds récoltés pour financer des projets à l’impact positif sur l'environnement. L’UE reconnaît ainsi que la finance n’est pas l’ennemi de la transition écologique mais doit en constituer son ciment. L’ancien Directeur général pour les finances de la Banque mondiale, Bertrand Badré, le souligne : la logique du rendement maximal couplée à la poursuite du risque minimal, qui a prévalu au XXe siècle, est désormais obsolète. La logique du XXIe siècle doit internaliser le coût des dommages environnementaux pour détourner le capital des investissements carbonés. 

Côté dépenses, 37 % des 750 milliards d’euros seront consacrés à la transition écologique. Valérie Rabault, députée française et présidente du groupe Socialistes et apparentés à l’Assemblée, propose notamment de verdir et de rendre plus résilient le quatuor sectoriel “énergie-agriculture-transports-santé”. Pour s'assurer du caractère simultané de cet effort de verdissement à travers l’Europe, l'UE entend réconcilier économie et environnement au sein du Semestre européen, ce système européen de coordination des politiques économiques et budgétaires. La coordination macroéconomique et la surveillance des engagements des États membres concerneront également le pilier vert de Next Generation EU.

Si les montants du plan de relance et son caractère historique impressionnent à juste titre, le véritable défi tient à la crédibilité de l’action publique européenne. L’UE doit rendre les 750 milliards d’euros transparents et surtout visibles pour tous les citoyens européens afin de s’assurer de leur soutien dans ce changement de modèle global.

Par Axelle Rupert et Benoît Dicharry - Institut Open Diplomacy.