Les voyageurs frissonnent dans le vent froid sur le quai de la gare d'Austerlitz, à Paris. Chargés de leurs bagages, ils prennent place à bord du train de nuit à destination de Lourdes, qui reprend du service cet hiver. "Tarbes, Auterive, Saverdun, Pamiers...": les yeux rivés sur le panneau des départs, deux enfants, emmitouflés dans des doudounes bleues, énumèrent en coeur les villes étapes du Paris-Lourdes.
Faute de rentabilité, ce train couchette avait été supprimé en 2017. Mais l'Etat a décidé de le réactiver dans le cadre du plan France Relance, qui vise à développer des modes de transport plus écologiques.
Depuis le 12 décembre, un Paris-Lourdes nocturne embarque donc à nouveau des voyageurs vers les montagnes enneigées des Pyrénées, à raison de quatre personnes par cabine de six, Covid oblige.
Excité, Antton, 8 ans, s'empresse de grimper les hautes marches du wagon numéro 8 avec ses parents et son petit frère. A 21h14, le train s'ébranle. "Ça va être un peu agité parce que ça va vite. Pour moi, c'est comme une attraction", s'exclame-t-il ensuite, depuis la couchette du haut, enthousiaste à l'idée de dormir pour la première fois dans un train.
Un moyen de transport écologique et économique
"Avec des tarifs aussi intéressants que du low-cost, nous avons dans ces trains une surreprésentation des jeunes et des familles avec enfants", explique Paul Bilaine, attaché de presse de la SNCF. Les tarifs sont de 19 euros pour un siège inclinable, 29 pour une couchette. "Un choix écologique à un tarif bas", résume-t-il.
Pour David toutefois, ce n'est pas vraiment un choix. Ce jeune homme, qui ne souhaite pas donner son identité, et ses deux amis prennent ce train parce qu'ils n'ont "rien trouvé d'autre". Mais ils sont décidés à profiter pleinement de l'"expérience".
Les garçons marchent sur le quai, le long des rames, brosse à dents en poche. Direction les toilettes, seul lieu où une prise électrique leur permet de surcroît de charger leur ordinateur portable couvert d'autocollants. Au programme de la nuit: film et jeux de cartes. "On va passer le temps comme on peut, ça va être sympa", espère David qui s'est "mis à l'aise". Tous trois ont revêtu chaussons douillets et survêtements.
Cette ambiance paisible contraste avec la colère qui gronde lorsque le contrôleur annonce que le terminus sera en fait Toulouse, "à cause des conditions météorologiques" mauvaises.
Pour les voyageurs de la voiture 8, plongée en outre dans le noir en raison d'un "problème technique", c'en est trop. Par petits groupes, ils réclament des explications. Le ton monte. Puis ils se résignent et le calme revient.
Se réveiller près des pistes de ski
A 22h45, le silence règne à bord de l'inter-cité numéro 3741. Les couloirs sont déserts. Voiture après voiture, seul le bruit du train, qui file sur les rails, se fait entendre.
Des rires proviennent d'une cabine allumée. Six employés de la SNCF y sont assis face à face sur les deux couchettes du bas. Ils doivent rester éveillés jusqu'à Bordeaux. Leur service y prend fin à 02h40 et une autre équipe prend le relais. "On a des rondes à faire toutes les heures", explique Gildas Tordeux, contrôleur depuis 24 ans. Ce quadragénaire, souriant même face aux voyageurs en colère, est nostalgique: il évoque avec émotion des souvenirs d'enfance.
"C'était génial de pouvoir dormir dans un train et le matin, d'être sur les pistes de ski", se souvient-t-il, en racontant qu'il prenait le Paris-Lourdes avec son père pour rejoindre sa soeur. "Et aujourd'hui, pouvoir faire ce train en tant que contrôleur, c'est marrant. J'y pense à chaque fois", confie-t-il.
Il est 05h04 lorsque le train entre en gare de Toulouse-Matabiau. Aucune annonce. Les 300 passagers cherchent les bus de substitution pour achever leur périple. La SNCF promet de les dédommager.
Avec AFP.
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