Action pour le climat Place de la République à Paris, le 27 janvier 2019.
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ÉDITO

Sommes-nous tous complètement "greenwashés" (ou éco-blanchis) ?

Cette semaine est sorti en salles le documentaire "L'illusion verte", du réalisateur autrichien Werner Boote. Il y est question de "greenwashing", ou de l'art - subtil ou grossier - de verdir son image de marque afin d'attirer des consommateurs de plus en plus éco-conscientisés. 

Il fut un temps où se nourrir de burgers, de frites et de nuggets était cool. Résultat, les enseignes de fast-food se sont démultipliées un peu partout dans le monde. Aujourd'hui, on mange "veggie" et bio, on boit des smoothies au kale et on surveille les labels équitables. Une lecture très douteuse de ce qui constitue en réalité un engagement global, noble et indispensable pour la protection de la planète ? Complètement. Mais c'est pourtant ce que retiennent nombre de multinationales. Depuis des années déjà, de grands industriels nous envoient de la poudre aux yeux, quand les leurs sont remplis d'euros. Ils ont tout peint en vert, du sol au plafond. Une peinture qui s'écaille très vite. Mais nous nous laissons complètement berner. Nous sommes tous tombés dans le panneau "vert" au moins une fois.

"On se fait avoir par les logos et les couleurs sur les paquets parce que les industriels savent que c’est ce que l’on est venu chercher : on cherche à ne pas trop casser notre planète. Alors ils mentent sur les paquets et nous on les achète", commente à ID Manu Payet, voix française du documentaire L'illusion verte

De gros mensonges

En même temps, c'est tellement facile. Jouer avec notre culpabilité et avec notre manque de temps : de la rigolade ! "Notre engagement est durable !" clament des multinationales à coups de logos vert pomme et de labels peu fiables. Comprenez plutôt : "sans lendemain". Derrière, du vent, pas d'argumentaire, des informations insuffisantes, des promesses, rien que des promesses. L'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME) a d'ailleurs édité un guide anti "greenwashing" pour sensibiliser les annonceurs et les agences à ce sujet. Elle estime que l'on parle de "greenwashing" dès lors qu'un produit ou qu'un service est vanté comme "écologique", "protégeant la nature ou l'environnement", alors que son intérêt pour l'environnement est minime voire inexistant. Il en va de même d'une entreprise "vantée comme engagée dans le développement durable, mais dont l'activité générale est reconnue comme problématique d'un point de vue environnemental". 

Dans L'illusion Verte, le réalisateur Werner Boote et l'actrice Kathrin Hartmann cherchent à dévoiler l'envers du décor de ces multinationales qui tentent de "verdir" leur image. À commencer par le grand mensonge de "l'huile de palme bio". Mais aussi la mention de certains labels dits "écoresponsables", qui cachent une réalité bien sombre. "Si à défaut de sauver le monde, ces achats responsables ne faisaient qu’enrichir les multinationales ?", fait remarquer le réalisateur.

Faut-il se décourager ?

ID a posé la question à Manu Payet. Si ce dernier estime que tout cela est effectivement décourageant, il ajoute qu'il faut y réfléchir "dans l'autre sens". "Il faut penser à ce que l'on peut faire à son échelle et il faut continuer à réviser nos comportements au quotidien. Nous sommes obligés de consommer mais nous pouvons choisir d’être des  'consom’acteurs', c’est-à-dire de nous renseigner sur ce que l’on consomme."

Décidément, elle nous en lance des défis, cette transition écologique ! Face à ce qui était inéluctable, à savoir la récupération "marketing" de l'engagement citoyen pour la planète, nous devons apprendre à "ralentir" et à nous poser des questions que l'on ne se posait pas avant. Nous ne pouvons qu'agir, encore une fois, et non subir au profit des grands industriels : en s'informant sur les certifications vraiment crédibles, en prenant le temps de lire les listes d'ingrédients de certains produits, en favorisant les aliments non transformés, en s'aidant de certaines applications comme BuyOrNot, en lisant ID... Et en surveillant aussi les startups qui s'engagent vraiment, qui n'ont pas eu besoin d'un coup de pinceau vert et dont on ne pourra bientôt plus se passer. 

Les masques finissent de toute façon toujours par tomber.