L’ère du tout-automobile lui avait donné quelque peu du plomb dans l’aile. Considérée longtemps comme dépassée, la petite reine fait son grand retour depuis quelques années. Dans les grandes villes, elle ferait même presque de l’ombre à la voiture individuelle, boudée désormais par une poignée d’adeptes du vélo-taf qui prennent d’assaut chaque jour les pistes cyclables. Les chiffres témoignent de cet engouement. Selon le dernier baromètre de l’association Vélo et Territoires, réalisé en partenariat avec le soutien de l’ADEME et du ministère chargé des Transports, la pratique du vélo a progressé de 6 % en milieu urbain et de 5 % à l’échelle nationale. Des résultats encourageants mais encore loin des objectifs affichés par le gouvernement qui souhaite atteindre 12 % de part modale d’ici 2030. Par ailleurs, si l’usage du vélo en ville grandit, il atteint un plateau dans les zones périurbaines et rurales. Mais qu’est-ce qui freine concrètement son élan ? Eléments de réponse avec Etienne Demur, vice-président de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB).
L’utilisation du vélo augmente en ville. Qu'en est-il en milieu rural ?
Si la pratique du vélo a décliné dans les années 80, avec l’avènement du tout-automobile, celle-ci connait un regain d’intérêt depuis la fin des années 2010, et la crise sanitaire liée au Covid-19. Comme en ville, les habitants des territoires ruraux ont envie de se rapprocher de la nature et de se tourner vers des modes de déplacements plus responsables. Ce désir est toutefois empêché par plusieurs obstacles. Le premier est lié au manque de sécurité. La cohabitation avec la voiture est encore vue comme un danger pour les cyclistes. Le deuxième concerne l’absence de projection sur un espace de déplacement aujourd’hui occupé par la voiture.
Faudrait-il augmenter le nombre de pistes cyclables pour répondre à ce besoin de sécurité ?
C’est une réponse mais elle n’est pas suffisante. En France, nous avons la chance d’avoir un réseau secondaire vaste et diversifié, avec par exemple des petits chemins agricoles qui sont peu empruntés par les voitures. Pour démocratiser l’usage du vélo dans les zones rurales, il faudrait s’appuyer sur ce maillage. Le sentiment de sécurité y est bien meilleur que sur les routes départementales où la limitation de vitesse est fixée à 80 km/h, voire plus dans certains territoires.
Etes-vous favorable à une diminution de la vitesse pour les voitures ?
Selon nous, il faudrait davantage mettre l’accent sur les plans de circulation dont l'objectif est de limiter la vitesse mais aussi de réduire le flux de véhicules motorisés. L'idée est de distinguer un axe pour le trafic automobile où les voitures peuvent continuer à rouler rapidement, et un axe où l’on va diminuer la vitesse, la largeur et le flux automobile. En hiérarchisant les usages et en repensant le partage des espaces sur la voierie, cela permet de créer des conditions de sécurité pour les cyclistes sans empêcher l’accès aux automobilistes.
Une fois ce plan établi, il faut identifier les territoires où la cohabitation est nécessaire en mettant en place des pistes cyclables ou en limitant le trafic automobile en vitesse et en volume. La signalisation des itinéraires doit également évoluer. Aujourd’hui, les usagers se plaignent d’une absence d’aménagement mais aussi d’un manque d’indication. En plus des boucles touristiques, il faudrait flécher les destinations utiles pour la vie quotidienne : écoles, services publics...
Globalement, observez-vous une prise de conscience de la part des collectivités et des élus pour prendre en compte cette question-là ?
La prise de conscience est là mais la plupart se retrouvent démunis, notamment à cause du manque de moyens. Même si l'Etat débloque des fonds pour développer des plans vélo, certains territoires ne sont pas outillés en termes d’ingénierie pour proposer un plan capable de répondre aux appels à projets. Il y a un vrai souci d’adaptation des plans par rapport aux compétences locales. D’un point de vue des politiques cyclables, l’écart se creuse entre les villes, qui peuvent développer des infrastructures car elles ont des facilités de compétences en matière technique et en gestion de voieries, et les territoires peu denses qui n’ont pas réussi à décrocher des aides ou des moyens. Pourtant, l'envie ne manque pas.
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