Des femmes recyclent des vieux tissus dans l'atelier "Kuru-Kuru"
©Zero Waste Academy, Japan
ID D'AILLEURS

Japon : Kamikatsu, ville pionnière du zéro déchet

Kamikatsu, commune japonaise comptant 1600 habitants, s’est lancée pour défi en 2003 d’atteindre un taux de réduction des déchets de 100 % en 2020 (pour les Jeux Olympiques d’été à Tokyo).

Si l’initiative a été prise par la préfecture de Tokushima, celle-ci a chargé l’ONG Zero Waste Japan de superviser l’opération. La branche Zero Waste Academy est ainsi chargée de la gestion de la déchetterie. "Nous décidons de ce qui est à jeter ou non, donc à nous de changer les choses" peut-on lire sur leur site officiel.

Les résidents de la ville de Kamikatsu - qui a atteint un taux de recyclage des déchets de 80 % en 2018 - doivent désormais trier leurs déchets et les apporter eux-mêmes à la déchetterie qui a remplacé le centre d’incinération. Des employés sont là pour les aider et vérifier que les déchets ont bien été lavés, triés et répartis dans 45 catégories différentes (contre 9 en 2003). Des indications figurent sur les panneaux correspondant aux différentes poubelles, indiquant ce qu’il adviendra de ces déchets et quelle valeur ils pourraient apporter à la revente. On peut lire sur une affiche de la déchetterie : "S’il peut servir il a de la valeur. S’il est trié c’est une ressource".

Des retombées écologiques mais aussi économiques et sociales

Les conséquences de cette action ne touchent pas uniquement à l’environnement mais aussi à la situation économique du village : les impôts sont trois fois moins élevés qu’en 2003 d’après francetvinfo et la revente des matières premières à des entreprises est une source de revenus conséquente. On observe également d’importantes retombées sociales au sein du village : le projet aurait généré un nouveau sentiment de solidarité entre les habitants, notamment entre les jeunes générations et les anciennes générations qui ne sont pas toujours en mesure de se déplacer à la déchetterie (environ 52 % de la population a plus de 65 ans).

L’implantation de la déchetterie a inspiré d’autres initiatives. Parmi elles, la mise en place d’un local de troc au même emplacement, un centre artisanal Kuru-kuru ("circulaire" en français : qui suit le principe de l’upcycling) où les vieux tissus sont recyclés en sacs, chapeaux, objets de décoration et ensuite proposés à la vente. Un système d’accréditation a également été développé par la Zero Waste Academy : celle-ci propose de labelliser certains commerces respectueux des normes environnementales (on en compte six dans le village). 

Enfin, l’association mène des opérations de sensibilisation auprès d’établissements scolaires, des visites touristiques et des conférences sont organisées et des expertises personnalisées sont proposées aux entrepreneurs. 

Vers une prise de conscience collective ?

Au Japon, trois autres communes se sont lancées dans ce même type de démarche et le mouvement commence à séduire de grandes métropoles : San Diego a par exemple annoncé en 2015 vouloir atteindre un taux de réduction de sa production de déchets de 75 % en 2030 et de 100 % en 2040. Akira Sakano, directeur du conseil d’administration de Zero Waste Academy, interrogé par ID, explique que "reproduire l’expérience dans des grandes villes est possible, il est seulement question de savoir comment on la met en place en prenant en compte la réalité locale." Selon lui, "on ne peut pas faire un copier/coller de ce que nous avons réussi à faire à Kamikatsu".

c’est le système global qui doit changer

Cependant, si le nombre de déchets recyclés augmente, le nombre de déchets produits lui, stagne. D'après Zero Waste Academy, le deuxième moyen d'atteindre l'objectif des 100 % de déchets recyclés est désormais de changer les habitudes de consommation (en encourageant la vente en vrac, le commerce local et circulaire, etc.) mais aussi de faire évoluer les méthodes de production. Akira Sakano estime ainsi que "c’est le système global qui doit changer, en particulier au niveau de la conception du produit. Car on ne peut pas espérer atteindre 100 % de réduction de déchets uniquement en triant et en recyclant à moins que tous ces produits ne deviennent recyclables".

"Avec la pression sociale, de plus en plus de structures politiques et d’entreprises devraient rejoindre ce mouvement. Surtout si elles prennent conscience des opportunités que peut leur apporter un système d’économie circulaire global ; c’est ce qui sera la clé du changement" affirme Akira Sakano. Un changement indispensable car il y a urgence : selon le rapport "What a waste 2.0" de la Banque Mondiale (téléchargeable ici), la population mondiale générera environ 3,4 milliards de tonnes de déchets par an en 2050 (contre 2 milliards actuellement).

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