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Environnement

En France, réutiliser l'eau n'est plus "une solution extrême"

"Longtemps j'y ai vu une solution extrême. Mais je passais à côté de quelque chose". Jean-Claude Armand, maire du village de Saint-Jean-de-Cornies, accueille avec une certaine jubilation une expérience inédite destinée à ouvrir aux territoires ruraux la réutilisation dans de petits projets de leurs eaux usées, une fois traitées.

Entre pointes de sécheresse, orages violents et population en plein essor, l'eau est une préoccupation constante sur ces terres proches de Montpellier, coeur du vignoble de Pic Saint-Loup. Le recyclage, M. Armand, qui fut pourtant 15 ans directeur de l'Agence régionale de l'eau, n'y avait jamais songé.

"Ca me semblait un peu extrême, à réserver aux situations difficiles... Quand on est ingénieur, on est dans un mode de pensée dont on a du mal à sortir", admet-il. Sa conversion vient de sa rencontre avec Ecofilae, bureau d'étude spécialisé dans la "Réut", associé à de nombreux projets de toutes tailles en France. "J'ai eu un choc culturel", dit l'élu. "C'est aberrant de ne pas chercher à réutiliser l'eau au moins une fois!" "On craint qu'en 2030 on n'arrive pas à passer la pointe d'été, pour les besoins domestiques comme pour l'irrigation. On ne peut se limiter à convoiter l'eau du Rhône", apportée par un canal sur 75 km.

Chargé de l'eau à la communauté de communes du Grand Pic Saint-Loup, il milite pour le recyclage. Une étude de faisabilité a été réalisée avec les viticulteurs - in fine abandonnée pour des questions de coût. En France, quelques dizaines de sites seulement recyclent les eaux usées: une quinzaine de golfs (sur 500), souvent équipés dans les années 2000 après la canicule, des espaces verts, et agricoles. Le premier projet remonte aux années 1990, porté par des cultivateurs de maïs en Auvergne.

Aujourd'hui, 0,5% des eaux usées traitées sont réutilisées, quand l'Espagne est à 8% et vise 15% en 2030.

Pas de miracle partout 

Saint-Jean accueille depuis deux ans le projet "Rur'eaux", qui veut ouvrir aux communes rurales cette technique jusqu'ici difficilement accessible car surtout rentable pour les gros projets. En bord de village, la station d'épuration se devine à peine sous son champ de roseaux, qui opèrent une première filtration. Une petite installation de pompes, filtres et plantes en conteneur y a été adjointe, ainsi qu'une plantation-pilote de tomates: Rémi Declercq et ses collègues ingénieurs y testent différents modes de désinfection additionnels, leur effet combiné, les coûts: "il faut des solutions robustes, qui n'obligent à passer tous les jours".

Objectif: irriguer le champ fourrager voisin et les 20 potagers du jardin partagé, qui impose une qualité d'eau maximale. "C'est surveillé, moi aussi je vais manger les salades!," dit M. Armand, qui a mis en avant le projet pendant sa campagne de réélection de 2020.

L'éleveur voisin de la station attend impatiemment d'en faire profiter ses fourrages. "C'est logique, et écologique", dit David de Montfumat. "80 m3 sont disponibles chaque jour, une eau avec du phosphore, de la potasse. On voit que ce n'est pas nocif: la zone grouille de vers de terre"."Il faut arrêter de faire venir de l'eau du Rhône là où on peut faire de la réutilisation", ajoute cet éleveur de chèvres et chevaux de 31 ans. "L'Espagne le fait depuis des années, tout le monde mange des légumes espagnols! Arrêtons de ralentir les choses sur des sujets comme ça, allons-y à fond!"

Cette solution permet d'améliorer la qualité générale des masses d'eau, souligne Rémi Declercq, chef du pôle R-D chez Ecofilae. Sur le littoral, elle évite de "perdre" de suite la ressource, rejetée à la mer. Chaque station d'épuration ne pourra se transformer en robinet, prévient-il: "ce n'est pas la solution miracle partout". Sont à bannir les zones dont les rivières et nappes ont besoin des rejets des stations pour se recharger.

Mais la France a une marge de progrès. Le patron d'Ecofilae Nicolas Condom bataille depuis dix ans. Avant de penser eau potable, le pays peut penser irrigation, recharge des nappes, recyclage des eaux industrielles, dit-il. Mais avec le réchauffement, le sujet progresse: signe qui ne trompe pas, Ecofilae accompagne désormais des projets dans l'est de la France, à Strasbourg...

Avec AFP.

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